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Hygiène numérique
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La mer, le soleil et... le smartphone !

04.08.2017

Le droit de « déconnecter » pendant les vacances est désormais inscrit dans le Code du Travail. Vous allez donc pouvoir passer vos premiers congés d’été sans portable… ou pas.

Vous n’avez plus aucune excuse pour lire vos mails professionnels à la plage ! Pour la première fois cette année, vous êtes officiellement autorisé à déserter le monde numérique pendant vos congés estivaux. Le droit à la déconnexion est en effet entré en vigueur le 1er janvier dernier, avec un an d’avance sur le calendrier initial.

Pionnière à l’échelle mondiale, la loi française1 exige désormais que les entreprises de plus de 50 salariés mettent en place des dispositifs pour garantir le temps de repos de leur personnel, et l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie de famille. Avant de boucler vos valises, consultez donc la charte en vigueur chez votre employeur, à défaut d’un accord conclu avec les représentants syndicaux.

Renault, Michelin, Orange ou encore Areva font partie des employeurs qui ont écrit noir sur blanc qu’un collaborateur en congé n’a pas l’obligation de répondre aux messages de ses managers durant cette période, selon l’Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (Orse)2. Le flux d’accès à votre messagerie professionnelle pourra même être suspendu jusqu’à votre retour de vacances, comme au sein du groupe de protection sociale Réunica, ou chez le constructeur automobile allemand Volkswagen. Son homologue Daimler a mis en place un système encore plus radical : il supprime tous les courriels entrants dans la messagerie de ses salariés en congé, et redirige l’expéditeur vers un interlocuteur présent. Banque Populaire demande à ses salariés d’indiquer leur absence du bureau dans la signature de leurs messages, et de mentionner qu’ils ne sont donc pas tenus de répondre aux courriels. Ils restent libres de se connecter, mais leurs courriels seront distribués en différé. Le problème ne se pose pas chez Atos, puisque la société de services informatiques a abandonné la messagerie électronique au profit d’un réseau social interne, consultable uniquement sur place.

Refuser de se déconnecter est risqué… mais fréquent

Ces grandes entreprises n’ont pas attendu que le Code du Travail leur impose de prendre des mesures, car l’hyperconnexion et la boulimie d’informations rendent les salariés moins productifs, moins créatifs, moins concentrés et plus irritables, plus anxieux, plus angoissés. Cette « infobésité » facilitée par l’usage du smartphone est un facteur d’épuisement professionnel bien identifié par les spécialistes du burn-out.

Pourtant, les vacanciers ont du mal à prendre le large par rapport à leurs projets en cours et au quotidien de leur équipe. A l’échelle mondiale, les Brésiliens sont les plus accros, puisqu’une majorité d’entre eux consultent leurs mails chaque jour, et 80% délaissent leur tube de crème solaire pour répondre aux SMS adressés par leur manager.

En Europe, les Français font partie de ceux qui peinent le plus à « décrocher », avec les Russes et les Italiens. Selon un sondage publié par le site de réservation en ligne TripAdvisor au printemps 2013, plus de quatre Français sur dix consultent ainsi leurs mails professionnels durant leurs voyages, une ou plusieurs fois par jour… quitte à susciter une dispute avec leur conjoint ! Cette moyenne se retrouve dans une enquête de l’Observatoire Entreprise et Santé publiée en juin dernier. L’institut de sondages Viavoice et l’assureur Harmonie Mutuelle y précisent toutefois que la tentation augmente avec la position hiérarchique : 69% des cadres et huit dirigeants sur dix cèdent à l’appel du travail pendant leurs congés.

Pour plaider la cause de la nécessité de la déconnexion, le syndicat CFDT du cabinet de conseil Accenture a développé MyExtraHours, un outil accessible à tous les salariés, qui comptabilise les mails envoyés en dehors des heures ouvrées. Ainsi, chacun peut évaluer la perte de salaire équivalente à ce temps de travail supplémentaire non-rémunéré. Mais même l’argument financier ne semble pas suffisant pour nous convaincre de nous éloigner du clavier et de l’oreillette.

Ceux qui « décrochent » du smartphone passent de meilleures vacances

Il est d’autant plus difficile de résister à la curiosité de ce qui se passe au bureau que nous sommes incapables de faire nos valises en laissant notre smartphone à la maison. Près de 40% des Américains interrogés par la société de sécurité informatique Mc Afee au printemps dernier ont indiqué qu’ils étaient incapables de passer une journée de congé sans consulter leurs mails (professionnels et/ou personnels) et leurs comptes sur les réseaux sociaux3. Pour 54% des sondés, un jour sans SMS est comme un jour sans soleil : inconcevable ! Pourtant plus de 80% de ceux qui ont réussi à se déconnecter l’an dernier ont conclu que cette « digital detox » avait rendu leurs vacances encore meilleures.

Mais comment faire sans téléphone portable en cas d’imprévu durant le voyage ? Comment garder le lien avec les autres membres de la famille (notamment les parents vis-à-vis de leurs enfants) ? Sans compter qu’il est plaisant de poster des photos de son lieu de villégiature sur les réseaux sociaux, et de pouvoir se tenir au courant de l’actualité locale comme générale pour organiser son séjour. Autant dire que la mise au vert numérique ne va pas de soi. La moitié des Français interrogés par Kantar-TNS Sofres4 ne parviennent pas à imaginer des vacances sans connexion. A tel point que la qualité du réseau est devenue un critère de choix de la destination dans l’Hexagone, surtout chez les moins de 25 ans.

Certains d’entre nous ressentent en effet des palpitations rien qu’à l’idée de ne pas avoir leur téléphone sous la main à tout moment. Ne riez pas ! Cette peur, baptisée nomophobie (de : no-mobile phobia)5, fait l’objet d’une définition dans le dictionnaire Le Robert depuis son édition 2017, et d’études par des psychologues du monde entier -dont des spécialistes de l’addiction.

S’il vous est vraiment impossible de vous séparer de votre téléphone, utilisez donc la stratégie gagnante que toute personne sujette à une dépendance met en place : prévenez votre entourage. Aux dates que vous leur communiquerez, votre famille et vos amis veilleront ainsi à ne pas vous solliciter par appel, mail ou message.

Vous pouvez aussi par exemple trouver une aide auprès de Certideal.com, e-commerçant high-tech basé en région parisienne, qui propose de vous prêter un portable d’ancienne génération (qui ne reçoit pas les mails) et de conserver votre smartphone dans un de ses coffres-forts le temps de vos vacances.

Enfin, pour les 15% d’entre vous qui dégainent leur smartphone pour tromper l’ennui, voici quelques titres de livres à découvrir pour occuper votre période de repos estivale : « J’arrête d’être hyperconnecté ! »6, « Mes mails m’emm…mêlent »7, ou « Irresistible »8. De quoi se forger de bonnes résolutions numériques pour la rentrée.


1 Voir l’article L2242-8 du Code du Travail, modifié par la loi du 8 août 2016, dite « loi Travail » défendue par Myriam El Khomri, alors ministre du Travail du gouvernement Valls II.

2 « Du meilleur usage des outils de communication numérique dans les entreprises », Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises, 2015.

3 « Digital detox: unwind, relax and unplug », Mc Afee, juin 2017.

4 « Les Français connectés en vacances », étude Kantar-TNS Sofres, 26 juin 2017.

5 Phobie liée à la peur excessive d’être séparé de son téléphone mobile

6 « J’arrête d’être hyperconnecté ! », de Catherine Lejealle (Editions Eyrolles, 2015)

7 « Mes mails m’emm…melent - lire vos mails nuit gravement à ma santé ! », de Yannick Chatelain (Editions Kawa, 2015)

8 « Irresistible: the rise of addictive technology and the business of keeping us hooked », d’Adam Alter (Penguin Press, 2017)

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