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Les réseaux sociaux doivent-ils devenir payants ?

3min
13.02.2024

Certains scénarios de monétisation des réseaux sociaux étaient impensables il y a encore quelques mois. Pourtant, l’économie de l’attention et le marché de nos données personnelles sont en cours de bouleversement.

Mark Zuckerberg, patron de Facebook, a longtemps fièrement affiché comme slogan: « C’est gratuit (et ça le restera toujours) ». Nous aurait-il menti ? Et bien, pas vraiment. Le modèle gratuit est toujours d’actualité, mais se diversifie avec l’apparition de plusieurs abonnements payants.

Depuis quelques semaines, la plupart des utilisateurs de Facebook et Instagram ont vu s’afficher un avertissement encore inédit en se connectant. Les plateformes obligent à choisir entre deux options pour continuer à s’en servir. Il faut désormais souscrire un abonnement payant (à partir de 10 euros par mois) pour accéder à une version du service sans publicité, ou conserver la version gratuite de la plateforme. Ce « refus de payer » vaut acceptation auprès de la plateforme pour collecter et vendre les données personnelles afin de diffuser des campagnes de publicité ciblées.

Twitter a également fait couler beaucoup d’encre plus tôt dans l’année. Elon Musk, récent propriétaire du réseau social, a décidé de proposer un abonnement nommé Twitter Blue, pour s’octroyer la coche bleue tant convoitée grâce à un simple paiement mensuel.

L’utilisation des données personnelles n’est pas nouvelle, mais ces formes de souscriptions payantes posent de nombreuses questions. Que vont devenir nos données personnelles ? Jusqu’où les utilisateurs du Web sont prêts à aller ? Comment ces réseaux ont-ils bouleversé nos pratiques ? Est-il devenu concevable de payer pour des réseaux sociaux qui n’existaient pas il y a vingt ans ?

Quel est le principe des abonnements payants sur les réseaux sociaux ?

Bien que les entreprises à la tête de ces réseaux comptent parmi les plus importantes au monde, elles font face à un contexte défavorable qui les pousse à diversifier leurs sources de revenus.

Concrètement, il s’agit de proposer des fonctionnalités payantes aux utilisateurs des plateformes, la plupart du temps sous forme d’un abonnement conférant des avantages. La fonction Meta Verified pourrait rapporter 2 à 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires supplémentaire chaque année à Meta.

En souscrivant, l’utilisateur peut afficher un badge « Vérifié » à côté de son pseudo sur toutes ses interactions. Meta promet aussi davantage de protection, un accès direct au support, et des fonctionnalités exclusives de personnalisation pour les créateurs de contenu.

Du côté de Twitter, rebaptisé X, il s’agit d’une quête vers la rentabilité, qui est une priorité d’Elon Musk. La première étape de son plan était de réduire drastiquement les effectifs, ce qu’il a rapidement entrepris. Depuis, Musk s’adonne à la création de revenus complémentaires en lançant l’abonnement Twitter Blue (devenu X Premium). Pour 11€ par mois, un compte payant peut :

  • afficher un badge de certification à côté de son nom et sur son profil ;
  • modifier et supprimer un tweet ;
  • accéder à un système de monétisation de son contenu ;
  • personnaliser l’interface de son compte.

L’offre peine à décoller, avec seulement 1% des utilisateurs ayant souscrit à X Premium, alors que les revenus publicitaires sont en chute libre dans le même temps.

Chez Snapchat en revanche, la création d’un abonnement payant a rencontré son public. Snapchat+, créé en juin 2022, a convaincu plus de 5 millions d’utilisateurs en un an. Ce succès s’explique par un tarif plus abordable (3,99€ mensuels), et des fonctionnalités attrayantes comme des boosts de visibilité. La plateforme vidéo YouTube connaît aussi un succès avec YouTube Premium (12€ par mois pour enlever toutes les annonces), générant 11 milliards de dollars en 2022 via ce service.

Capter les utilisateurs prêts à payer

Les plateformes cherchent donc à capter les utilisateurs prêts à se tourner vers le paiement d’un abonnement, au détriment du modèle gratuit classique. Ce changement de modèle économique, ou plutôt cette adaptation, est vu comme un point de bascule important dans l’histoire des réseaux sociaux.

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Une contrainte légale qui se transforme en opportunité ?

En plus de Meta Verified, un abonnement exclusif aux utilisateurs Européens pour profiter de Facebook et Instagram sans publicité est proposé au prix de 12,99€ par mois sur smartphone. Cela n’est pas anodin, et concorde avec la volonté de responsabilisation des plateformes par l’Union Européenne.

L’entrée en vigueur du règlement européen sur les services numériques (DSA) le 25 Août 2023 vise à encadrer les activités des plateformes, en particulier celles des GAFAM. Un des changements majeurs apportés par ce règlement est l’obligation de transparence en matière de fonctionnement des algorithmes de recommandation des contenus publicitaires.

« Les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche doivent proposer un système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage et mettre à disposition du public un registre des publicités contenant diverses informations (qui a parrainé l’annonce, comment et pourquoi elle cible tels individus…).
La publicité ciblée pour les mineurs devient interdite pour toutes les plateformes, de même que la publicité basée sur des données sensibles comme les opinions politiques, la religion ou l’orientation sexuelle (sauf consentement explicite). »

La publicité ciblée pour les mineurs devient interdite pour toutes les plateformes, de même que la publicité basée sur des données sensibles comme les opinions politiques, la religion ou l’orientation sexuelle (sauf consentement explicite).

En toute logique, les applications mobiles ayant construit leur business model sur une utilisation gratuite en échange de nos données revendues se retrouvent dans l’illégalité face à de telles mesures. Et il y a de quoi dissuader : Le 22 mai dernier, Meta avait écopé d’une amende record de 1,2 milliard d’euros pour avoir enfreint le règlement européen sur la protection des données (RGPD) sur Facebook.

Cette nouvelle économie de l’abonnement interroge

« Si c’est gratuit, c’est toi le produit ». Cet adage désormais bien connu trouve ses origines dans l’essor des réseaux sociaux, et le concept d’économie de l’attention.

Sur internet, l’attention inclut le temps passé sur les écrans et les données personnelles. Ces dernières sont revendues aux marques qui produisent du contenu publicitaire diffusé à une audience ciblée selon des critères bien précis. C’est ainsi que les plateformes ont toutes proposé une utilisation gratuite de leurs services depuis leur création.

Mais au vu des récentes initiatives de Meta (Instagram et Facebook), Twitter ou encore TikTok, il semblerait que notre temps de cerveau disponible ne permette plus à lui seul de faire fonctionner les géants du web à plein régime.
A quoi cela est-il dû ? A la concurrence, principalement. L’efficacité des publicités est également en chute libre. D’autre part, le marketing d’influence (publications sponsorisées par des marques) négocié en dehors des plateformes entre les créateurs de contenu et les annonceurs n’apporte aucun revenu aux entreprises diffusant le contenu.

Un risque de désinformation

Lors de la sortie de Twitter Blue, plusieurs médias se sont emparés du sujet pour pointer du doigt le danger de la confusion induite par l’abonnement premium du réseau.

En effet, de nombreuses situations problématiques sont recensées depuis plusieurs mois. Dans un article intitulé Twitter Blue, une aubaine pour les diffuseurs de désinformation, le journal Le Figaro cite par exemple la réactivation du compte Twitter de Silvano Trotta, grande figure du mouvement anti-vaccin. Sanctionné pour désinformation au moment de l’épidémie de Covid-19, son retour auprès de 90 000 abonnés qui composent son audience n’est pas passé inaperçu. Pire encore, son compte est désormais certifié, permettant un gain de visibilité sur le réseau.

Bien que Elon Musk se défende en assurant qu’il existe toujours des garde-fous sur sa plateforme, le doute subsiste. La fonctionnalité Notes de la Communauté, permettant de lutter contre les informations erronées, ne suffit pas encore à convaincre.

Le média NewsGuard à réalisé une étude portant sur 176 tweets contenant des informations erronées publiés ou partagés par 25 comptes certifiés Twitter Blue connus pour diffuser de la désinformation à 50 000 abonnés et +. On y apprend qu’aucun n’a été modifié par Twitter pour y ajouter du contexte, et seulement quatre comportaient des Notes de la Communauté.

Quelles sont les alternatives ?

Beaucoup de personnes et d’entreprises ont décidé de quitter X (Twitter) depuis les changements opérés ces derniers mois. Cette migration pourrait profiter aux réseaux concurrents (Instagram, Facebook, LinkedIn), mais aussi aux alternatives de micro-blogging similaires à X :

Mastodon

Le fonctionnement est similaire à celui de Twitter, mais vous disposez de plus de caractères pour écrire et vous pouvez modifier vos messages.

Bluesky

Probablement l'alternative la plus ressemblante à Twitter. L’application a été lancée par l'ancien fondateur de Twitter et propose des fonctions similaires. Bluesky a atteint le million d'utilisateurs en septembre 2023, et a connu une forte augmentation du nombre de visiteurs après les décisions d’Elon Musk de rendre Twitter payant.

Threads

Lancé par Meta, la plateforme est présentée comme “L'application conversationnelle d'Instagram basée sur du texte”.

Cohost

Lancé en juin 2022, Cohost propose un flux de médias sociaux basé sur le texte avec des followers, des reposts, des likes et des commentaires, à l'instar de Twitter, mais sans publicité. L'objectif annoncé de Cohost est de créer un espace moins hostile pour un dialogue ouvert.

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