5 applications concrètes de la réalité virtuelle en France
Les mondes virtuels sont désormais accessibles avec un simple casque, pour quelques dizaines d’euros. De quoi bouleverser l’information, la prévention et le divertissement, mais aussi la médecine et l’industrie.
Vous rêvez de survoler Paris comme un aigle? Déployer vos ailes ! Grâce à votre smartphone et à un casque, vous vivrez l’expérience comme un oiseau, sans quitter votre salon1. L’année 2016 a marqué l’envol de la réalité virtuelle (VR pour les intimes) avec la démocratisation des équipements : selon le Credoc, 65% des Français possèdent un smartphone, et les casques de vision en relief à 360° inondent le marché à prix accessible. S’il faut débourser plusieurs centaines d’euros pour la Playstation VR de Sony, le HTC Vive ou l’Oculus Rift de Facebook, quelques dizaines suffisent pour acquérir un Samsung Gear VR ou bricoler soi-même un « cardboard » de Google.
Toutes marques confondues, il s’est écoulé 1,5 million d’exemplaires de casques VR dans le monde au premier trimestre 2017. Et la réalité virtuelle se déploie désormais tous azimuts.
Divertissement immersif : vis -virtuellement- ma vie de coach dans « The Voice »
Pour repousser les frontières du divertissement télévisé, TF1 a choisi une de ses émissions phares : « The Voice », qui réunit en moyenne chaque samedi 6 millions de personnes, soit un quart à un tiers des téléspectateurs selon Médiamétrie. Pour la première fois cette année, le téléspectateur du concours pouvait se glisser dans le fauteuil rouge d’un coach le temps des auditions à l’aveugle des chanteurs.
Téléchargez l’application dédiée sur votre smartphone et installez l’appareil dans un casque de réalité virtuelle, et vous êtes prêt à buzzer ! C’est fait ? Votre fauteuil virtuel pivote et vous découvrez le candidat. Les tricheurs qui tournent la tête pour essayer d’apercevoir le talent avant de le sélectionner ne verront que l’étoffe du siège en gros plan.
La start-up francilienne XXII Group a développé cette application pour TF1. Son président, William Eldin, se réjouit : « Nous avons été agréablement surpris par les chiffres : environ 500.000 téléchargements et plus de 2 millions de vidéos vues ! Nous allons continuer et aller plus loin. » Pour TF1, la VR est une priorité stratégique. « Une dizaine d’autres chaînes nous ont contactés pour des projets similaires », confie William Eldin. « D’ici à la fin de cette année, chaque chaîne proposera une émission en interaction avec un second écran. Et je ne serais pas étonné de voir apparaître un concept d’émission entièrement en VR dès 2018. »
Du petit au grand écran, la réalité virtuelle a le vent en poupe. Le cinéma MK2 Bibliothèque, à Paris, a ouvert en décembre dernier MK2 VR, le plus grand espace européen d’expérimentation de la réalité virtuelle. Les lieux dédiés se multiplient. Et pour la première fois cette année, la VR s’invite au Festival de Cannes, avec la projection de « Carne Y Arena », du réalisateur multi-oscarisé Alejandro Gonzales Inarritu.
De quoi patienter jusqu’à l’ouverture -qui ne saurait tarder- des premiers parcs d’attractions en VR.
Information : la réalité virtuelle montre la campagne présidentielle sous un nouvel angle
Déjà, la réalité virtuelle dépasse la fiction. Les journalistes s’en emparent pour rendre compte de l’actualité grâce à des caméras 360° qui font entrer l’internaute au cœur de l’action, et lui permettent de choisir son angle de vue dans la scène présentée.
Lors de la récente campagne présidentielle, le journaliste-producteur d’Euronews Olivier Péguy a ainsi piloté « Immersion dans l’électorat », une série de neuf interviews d’électeurs de tous âges, chez eux, en métropole et en Martinique, qui totalise 1,5 million de vues sur YouTube, Facebook et les autres canaux de diffusion d’Euronews. « Entendre le témoignage d’une électrice avec son château en toile de fond, ou d’une demandeuse d’emploi devant les locaux de Pôle Emploi un jour de grisaille, cela apporte des éléments de contexte intéressants sans avoir à ajouter un commentaire en voix off. Nous utilisons la vidéo immersive seulement si elle offre un intérêt dans le récit journalistique, si elle ajoute du poids au témoignage », expose Olivier Péguy.
Depuis un an, la chaîne a publié 96 vidéos 360° et poursuit son expérimentation. « La technologie 360° nous oblige à revoir toute la grammaire de la narration vidéo. Nous explorons les possibilités qu’elle offre. Nous n’en sommes qu’au début », précise Thomas Seynat, responsable des projets vidéo 360° chez Euronews.
Même constat chez son homologue de France 3 Toutes Régions, Sébastien Meunier. Il a travaillé à une application dédiée, « Présidentielle 2017 VR », qui permet de rencontrer virtuellement les candidats en image 3D dans la cour de l’Elysée. « Nous testons sans limite. Ainsi nous serons prêts quand tout le monde sera équipé, c’est-à-dire quand la qualité d’image des casques de réalité virtuelle s’améliorera, vers 2018 ou 2019 », prédit-il.
Prévention : la VR matérialise les risques sur la route
La dimension pédagogique de la réalité virtuelle n’a pas échappé aux enseignants, qui l’utilisent par exemple pour expliciter les concepts de la physique-chimie ou des mathématiques.
La Prévention Routière a également choisi cette technologie pour sensibiliser les jeunes à un risque sur la route : les angles morts des grands véhicules, en produisant un jeu sur mobile en VR. Dans « Mène ton enquête », le joueur incarne un journaliste chargé d’investiguer sur deux accidents de la route, l’un impliquant un camion et un cycliste, l’autre un automobiliste, un chauffeur de bus et des piétons. Les indices à collecter pour réussir la mission visent à faire prendre conscience au joueur des enjeux de sécurité routière, sans sermon ni image choc.
Présentée début avril dernier, cette application gratuite vise à réduire la mortalité sur la route des usagers vulnérables, un quart des piétons et un cycliste sur cinq décédés lors de leurs déplacements ayant été victimes d’une collision avec une fourgonnette, un poids-lourd ou un car.
Médecine : la réalité virtuelle pour soigner des phobies bien réelles
Non contente de prévenir, la réalité virtuelle permet aussi de guérir. Le neuropsychiatre Eric Malbos mène une étude à l’Hôpital de la Conception à Marseille pour démontrer l’efficacité de la thérapie par réalité virtuelle dans le traitement des phobies (claustrophobie, peur de l’avion, des hauteurs ou peur de conduire par exemple) et des addictions (au tabac notamment). Il est l’un des pionniers français dans l’utilisation de cette technologie, aujourd’hui adoptée par plus de 200 praticiens à travers le pays.
« Par rapport à la thérapie classique, la réalité virtuelle permet d’apprendre à gérer ses émotions en exposant le patient à sa phobie de façon douce, progressive et contrôlée. Et ce, en toute confidentialité et à moindre coût », détaille le docteur Eric Malbos. « Une patiente qui a peur de l’avion peut, grâce à la réalité virtuelle, affronter quinze décollages en quinze minutes. Ce qui est impossible dans des conditions réelles. »
Ce féru de jeux vidéo plaide pour que les logiciels professionnels soient déclinés dans des versions permettant aux patients de s’auto-traiter à domicile. « Il est important que les patients aient accès à cette technologie pour s’entraîner chez eux, tout en restant sous la supervision régulière d’un psychiatre. » Il publiera cet été un livre aux éditions Eyrolles pour exposer ses conseils d’auto-traitement grâce à la VR.
Industrie : quand le casque VR jouxte le casque de chantier
La réalité virtuelle prend une tout autre dimension chez les industriels, à commencer par les constructeurs aéronautiques et automobiles. Depuis 2013, Renault utilise cette technologie pour concevoir ses futurs modèles en réduisant le nombre de maquettes nécessaires. L’aérodynamisme du véhicule, l’impact d’un choc, l’éclairage extérieur et intérieur, la vision du conducteur…une vingtaine de tests peuvent être menés virtuellement, sans prototypage. « La réalité virtuelle permet de baisser les coûts de recherche et de réduire le temps de développement des projets, tout en assurant une meilleure qualité de production. De quoi économiser 2,5 millions d’euros par an », précise Andras Kemeny, le directeur du Laboratoire d’Immersion Virtuelle Renault-Ensam.
Ces recherches sont menées dans l’un de ses cinq CAVE - des salles immersives tapissées de cinq écrans, en face et sur les côtés mais aussi au sol et au plafond. « Les équipes du design, du style et de l’informatique ont été les premières à utiliser la réalité virtuelle, mais celle-ci est désormais employée par tous les services de l’entreprise : du marketing au montage en usine, en passant par la maintenance », détaille Andras Kemeny. Pour ces nouveaux usages dans l’entreprise, des casques et des écrans vont donc rejoindre sa boîte à outils VR.
La réalité virtuelle fait route dans notre quotidien à la vitesse de la lumière. L’an dernier, le marché mondial de la VR a atteint 13,9 milliards de dollars, en progression de 130% par rapport à 2015. Près de la moitié (6,2 milliards de dollars) de ces dépenses sont le fait des consommateurs, selon les chiffres du cabinet IDC. Les prévisionnistes voient le marché de la VR décupler d’ici à 2020 pour atteindre 143,3 milliards de dollars. Un essor vertigineux, qui cohabitera bientôt avec la réalité mixte (qui combine vision du réel et éléments virtuels) et les futurs casques HoloLens de Microsoft.
1 « Eagle Flight », d’Ubisoft, peut être testé à l’espace MK2 VR
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