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Risque et sécurité
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Contrôle de sécurité : la nouvelle Carte nationale d’identité numérique

24.04.2020

Prévue pour la mi-2021, la carte nationale d’identité (CNI) numérique s’inscrit dans le processus de dématérialisation amorcé pour les documents officiels. Mais d’où vient cette idée et pourquoi est-elle si importante ?

Et d’abord la CNI numérique, ça vient d’où ?

Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a annoncé la sortie du dispositif lors d’un Forum pour la cybersécurité à Lille en janvier dernier. Ce processus de dématérialisation existe depuis quelques années déjà. En décembre 2019, le programme Alicem est développé par le ministère de l’Intérieur en tant qu’application pour smartphone permettant à tout particulier, qui décide de l’utiliser, de prouver son identité sur Internet de manière sécurisée, à l’aide de son smartphone et de son passeport ou de son titre de séjour. Son objectif : simplifier la vie des usagers.

Remontons un peu en arrière. Le principe de prouver son identité sur Internet n’est pas si récent que ça. La France ne fait que se conformer à la réglementation européenne votée en juin 2019. Depuis le début des années 2000, l’évolution technologique des moyens de communication et d’information rend quasiment inévitable la confrontation des citoyens à certains risques, tels que l’usurpation d’identité, notamment sur Internet. Il est donc nécessaire de rendre les documents d’identité plus ‘intelligents’. En France, le projet d’Identité Nationale Électronique Sécurisée est soumis en 2005 par le ministère de l’Intérieur à un débat public. On pense alors à la carte d’identité électronique qui est déjà utilisée en Belgique, en Espagne, en Italie ou dans les pays nordiques. Un système qui contient l’identité du porteur et des données biométriques (photo et empreintes digitales), ni plus ni moins. Le tout protégé par un code secret pour que personne ne puisse consulter les données du porteur sans son accord.

Une carte numérique pour garantir une meilleure protection aux citoyens ?

La biométrie s’impose comme le moyen le plus sûr pour lutter contre le vol d’identité mais aussi pour identifier de manière fiable et rapide les personnes en utilisant les caractéristiques biologiques unique de chacun. Ainsi, la nouvelle carte d’identité prendra la forme d’une carte de crédit (85.60 x 53.98 mm) avec une puce électronique sans contact. Si nous n’avons pas plus de détails à l’heure actuelle, on sait d’ores et déjà qu’elle sera proposée aux Français qui renouvelleront le document ou effectueront une première demande. Mais en réalité, il demeure incertain que cette carte soit optionnelle et distincte du format classique plastifié, ou s’il s’agit simplement du nouveau format des cartes d’identité.

Si certains trouvent cette nouvelle carte d’identité pas assez sécurisée, elle pourrait paradoxalement assurer aux internautes une utilisation d’internet moins risquée. Le secrétaire d’Etat et l’industrie du numérique présentent cet outil comme le moyen de sécuriser les services publics ou privés accessibles sur internet. Le but ? « accélérer la transformation numérique du service public » en garantissant « de nouveaux fournisseurs d’identité (qui) seront progressivement proposés, (…) afin de développer des usages en ligne nécessitant un niveau de sécurité plus élevé »1. Aux yeux du gouvernement, pour faire face au terrorisme et à la cybercriminalité, il est logique de faire évoluer les réglementations internationales. N’en déplaise aux défenseurs de la vie privée.

Mais alors, quelles garanties pour la sécurité des données personnelles stockées ?

Pourtant, la carte nationale d’identité numérique ne fait pas l’unanimité. Les données concernant la nouvelle carte d’identité nationale numérique sont encore floues malgré un investissement fort de l’Etat français et l’initiative de l’Union Européenne. S’il s’agit bien d’un progrès dans la gestion des informations privées d’une personne, il reste néanmoins de nombreuses interrogations quant à la sécurité et au traitement de ces informations. Le rôle majeur d’une entreprise privée de sécurité numérique filiale du groupe THALES, dans le développement du projet n’est pas non plus pour rassurer. Et malgré de nombreuses recherches, il est aujourd’hui impossible d’obtenir des informations claires et précises sur le lieu et les modalités de l’hébergement des données d’identité.

Des inquiétudes que le ministre de l’Intérieur estime injustifiées. Christophe Castaner rappelle que cette carte a été conçue dans un « souci d’équilibre entre la protection des données absolument indispensable, et en même temps la meilleure sécurité pour les usagers », et s’étonne que lorsque « c’est l’Etat qui est à la manoeuvre, on se méfie, alors qu’à l’inverse avec tous les opérateurs privés (…) on donne toute une série de données de vie privées sans jamais s’en préoccuper »2.

Il reste un peu plus de deux ans au gouvernement pour tenter de rassurer sur ce point. La future carte nationale d’identité électronique sera déployée à partir du 2 août 2022. Plus d’informations devraient être publiées par la place Beauvau au printemps.

Vers un fichage généralisé ?

La sécurité des données n’est pas le seul point d’inquiétude des opposants à la CNIe. Rappelons que la France fonctionne déjà depuis décembre 2019 avec l’application Alicem. Ce projet, distinct de la carte d’identité numérique, est tout de même une première étape dans la numérisation des données d’identité des citoyens. Lors de son lancement, la plateforme avait déjà provoqué une controverse puisqu’elle oblige l’internaute à passer par une étape de reconnaissance faciale lors de son inscription sur le système.

Les défenseurs de la vie privée voient dans la CNIe un nouveau pas vers une surveillance généralisée de la population, notamment à cause du risque de traçabilité de la carte. En 2018, lors de la création du TES (Titres Électroniques Sécurisés), l’exécutif avait bien pris des dispositions pour éviter certaines dérives de croisements ou remontées de données. Ces précautions avaient même été saluées par la CNIL.

Mais à chaque étape du développement des identités numériques, il est essentiel de s’interroger sur les potentielles utilisations de telles banques de données. Il pourrait bien y avoir un jour la tentation de les utiliser pour faire de la reconnaissance automatisée des visages via des caméras de surveillance. Un futur gouvernement, bien moins scrupuleux sur les questions de libertés publiques, pourrait vouloir l’employer autrement. Après tout, ne sommes-nous pas en guerre contre le terrorisme ?


1 Discours de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, lors de sa visite au Forum de la cybersécurité de Lille le 20 janvier 2020.

2 Ibid

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