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Et si la blockchain ringardisait la carte bancaire...

14.02.2017

Cette technologie numérique fait couler de l’encre, alimentant les fantasmes d’un monde sans banque ni aucun intermédiaire. Des initiatives sont lancées pour tester cette méthode révolutionnaire d’enregistrement des transactions

Alors que la France rechigne à abandonner le chèque, une technologie émergente se voit déjà reléguer la carte bancaire aux oubliettes. Cette nouvelle méthode d’enregistrement des transactions -la « blockchain »- est entièrement dématérialisée et propose de se passer d’intermédiaires pour valider l’échange en offrant la traçabilité de toutes les opérations.

Les esprits enthousiastes imaginent déjà un avenir où les billets émis par chaque pays pourraient être brûlés par milliers : ils seraient rendus inutiles par les crypto-monnaies (telles que le Bitcoin ou l’Ether chez Ethereum) qui sont dès à présent stockées dans le « cloud » et cotées en Bourse sur des places monétaires bien réelles. Mais ce n’est pas encore pour demain. De premiers tests sont actuellement lancés pour vérifier la fiabilité du système.

La blockchain sécurise les paiements et les données

L’idée de la blockchain est séduisante, et ne se limite pas à un échange monétaire. Prenons un exemple : Claire a réalisé une étude sur les abeilles que Craig souhaite acheter pour 200 bitcoins. Tous deux s’étendent sur les termes de l’échange : Craig donne l’ordre de transférer 200 bitcoins de son compte à celui de Claire, via la blockchain, et de son côté Claire envoie son livre numérique à Craig, également par la blockchain.

Voici ce qui se passe alors. Lorsque Craig valide son ordre de transfert de bitcoins, celui-ci est enregistré sur le réseau de façon détaillée : nom de l’émetteur (ou plus précisément son pseudonyme d’utilisateur), le pseudonyme du destinataire, date et heure, montant transféré sont répertoriés au sein d’un bloc virtuel, qui va accueillir plusieurs autres ordres semblables. Ensuite, le bloc est adressé à différents « nœuds de réseaux » à travers le monde. Ces nœuds de réseaux (ou « mineurs ») sont des ordinateurs ou des téléphones portables identifiés au sein de la blockchain comme étant des certificateurs des ordres transmis. Plusieurs de ces nœuds vont accueillir le bloc, enregistrer les différentes transactions détaillées qu’il contient, et les comparer entre eux pour garantir l’authenticité de chaque ordre et le rendre disponible à l’ensemble des utilisateurs de la blockchain. Une fois inscrit dans ce « grand livre comptable » virtuel, la transaction ne peut plus être modifiée, ni effacée. Elle est conservée en mémoire jusqu’à la fin du monde… ou du moins jusqu’à la disparition de la technologie blockchain. Ainsi certifiée, ce qui prend aujourd’hui de 10 à 15 minutes, la transaction est réellement opérée, et les 200 bitcoins sont soustraits du compte de Craig et additionnés à celui de Claire.

Quand Claire envoie son livre numérique à Craig via la blockchain, tout se passe de la même façon : le pseudonyme de l’émetteur, celui du destinataire, la date et l’heure d’envoi, ainsi que l’exhaustivité du contenu sont enregistrés définitivement dans la blockchain après avoir été validés par les « mineurs ». Ainsi, quand Craig revendra ce livre numérique à François via la blockchain quelques mois plus tard, les « mineurs » reconnaîtront le texte et se « souviendront » des données de la transaction initiale. Chaque utilisateur ayant accès à l’ensemble des transactions répertoriées dans la blockchain, Claire sera en permanence identifiée comme le diffuseur initial, et donc l’auteur du document, quel que soit le nombre de transactions effectuées au fil du temps.

La blockchain permet donc de garantir la propriété intellectuelle d’une chanson, d’un tableau, d’un livre, d’un film et de tout document ou format numériques. Mais aussi de certifier la provenance d’un poisson ou la date de production d’un médicament. De même, pour la vente d’une voiture ou d’un appartement, la blockchain permettra à l’acheteur de connaître l’historique complet des précédentes transactions concernant ce bien.

La blockchain n’oublie jamais

La mémorisation « éternelle » et infalsifiable des données peut être conservée dans une blockchain « privée », accessible seulement à ses membres, tout aussi bien que dans une vaste blockchain publique, consultable librement. Cette blockchain ouverte à tous pourrait ainsi rendre inutiles les nécessaires démarches actuelles pour certifier l’authenticité d’un bien et enregistrer officiellement le changement de propriété lors d’une vente immobilière. Pour autant, n’enterrons les notaires trop vite !

Depuis son apparition en 2009, la blockchain n’a été utilisée que par des experts curieux et des férus de crypto-monnaies. Le fonctionnement du système à grande échelle doit encore être prouvé. Actuellement, la blockchain « bitcoin » peut opérer théoriquement 7 transactions par seconde au maximum alors que, dans le même temps, Paypal en traite en moyenne 155 et Visa, via son réseau VisaNet, en réalise 2000. L’expert technique du Bitcoin Nicolas Dorier estime que ce frein pourra à terme être levé par le « Lightning Network », une technologie complémentaire au Bitcoin, actuellement en développement, et qui ambitionne d’opérer des millions de transactions par seconde, quasi instantanément et à moindres frais. La blockchain « Ethereum » espère atteindre des performances équivalentes avec une technologie rivale, « Raiden Network ». D’autres nouveaux acteurs de la blockchain pourraient encore apparaître : en Chine, Qtum Project a ainsi annoncé en janvier avoir levé 1 million de dollars pour créer une blockchain chinoise qui mêlera les deux technologies déjà existantes.

Son impact sur l’ensemble de l’économie est inconnu

Outre la capacité de gérer de grands volumes d’ordre se pose l’enjeu de la consommation énergétique liée au « minage » des crypto-monnaies. Surtout, le défi majeur concerne la sécurité des utilisateurs de la blockchain. Jusqu’à présent, les piratages constatés n’ont visé que les fonds gérant les crypto-monnaies, et la blockchain elle-même reste vierge de toute corruption.

Mais avec son essor, de nouvelles problématiques émergent : si un litige survient entre deux utilisateurs, quel sera le droit applicable ? Et quelles sont les conséquences économiques de cette technologie sans régulateur ni intermédiaire ? En réduisant les coûts de contrôle des opérations au sein des banques d’investissement, la blockchain pourrait leur permettre d’économiser en moyenne 10 milliards de dollars par an d’ici à 2025, selon le cabinet Accenture. Qu’en sera-t-il dans les autres secteurs de l’économie ? Quelles seront les conséquences pour l’emploi ?

Pour tenter d’obtenir des éléments de réponses, des initiatives sont lancées partout dans le monde. En France, la Banque de France a lancé une expérimentation en juillet dernier avec plusieurs grandes banques, la Caisse des Dépôts et Consignations et des start-ups de la blockchain. Elle vient de renforcer ce dispositif avec l’annonce en janvier de la création d’un « Lab » pour multiplier ses collaborations avec les start-ups.

– Perrine Créquy

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