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Le business du self data

19.04.2019

On entend souvent dire que “la data est le nouvel or noir”. Alors si les acteurs du self data se refusent à exploiter les données personnelles, quel peut être son modèle économique ?

Suite du premier épisode consacré aux solutions offertes par le self data pour reprendre le contrôle sur ses données personnelles, et du deuxième épisode sur la crise de confiance dans l’écosystème digital actuel.

Le volume de données disponibles et l’augmentation des capacités d’analyse font que la data est aujourd’hui souvent considérée comme la clé de la croissance des entreprises. Pourtant, un autre modèle semble possible : le self data.

Manon Molins, et Sarah Medjek, qui travaillent sur le projet MesInfos à la Fing, répondent à nos questions sur l’essor de ce nouveau paradigme qui place l’utilisateur au cœur de ses données personnelles.

Si le self data n’exploite pas les données des utilisateurs, quel est son schéma économique ?

Manon Molins : Chaque service a son propre modèle de revenu. Dans le cas de MesInfos, beaucoup de services ont été conçus par nos soins, et n’avaient donc pas besoin de revenus financiers.

Les start-up qui ont développé des applications pour MesInfos proposent des services en marque blanche pour des organisations. D’autres fonctionnent sur la base de commissions : par exemple, si un utilisateur change de fournisseur d’électricité grâce aux conseils sur-mesure d’une start-up, le nouveau fournisseur paie une commission.

Est-ce que vendre ses données pourrait être une façon d’en reprendre le contrôle ?

Manon Molins : Nous cherchons à éviter les “data brokers”, ces services qui proposent aux individus de vendre leur adresse mail à 50 organisations différentes pour une dizaine de centimes.

Pour nous, le self data ne doit pas être basé sur la revente des données personnelles. D’ailleurs, la charte du projet MesInfos - que tous les acteurs du projet ont dû signer - stipulait que la monétisation des informations personnelles des utilisateurs était fortement déconseillée.

Nous estimons que permettre aux utilisateurs de vendre leurs données ne change pas le paradigme, car il n’octroie aucune valeur d’usage aux données.

Sarah Medjek : Les “data brokers” confèrent une responsabilité dangereuse aux utilisateurs. Trop souvent, les internautes ne se rendent pas compte de l’importance de ces informations.

Permettre à tous d’être propriétaire de ses données ne ferait alors que faire resurgir la fracture numérique et sociale. Avec les “data brokers”, seuls ceux qui en ont les moyens pourront véritablement protéger leurs données.

Est-ce que le self data se développe ?

Manon Molins : On observe aujourd’hui un véritable essor du self data. Des initiatives encore inenvisageables il y a cinq ans fleurissent.

De plus en plus d’entreprises se positionnent sur le sujet - y compris parmi les GAFAM. Par exemple, Microsoft a annoncé le lancement d’une plateforme de gestion de données personnelles.

Cozy Cloud était vraiment pionnière dans le milieu. La jeune pousse démontre d’ailleurs le succès du self data, avec le succès croissant de ses levées de fonds.

Le RGPD1 a-t-il été une conséquence du self data ? ou un activateur de cet écosystème ?

Sarah Medjek : Les systèmes d’information sont faits pour récupérer les données mais pas nécessairement pour les restituer aux utilisateurs. Il était très compliqué de convaincre les organisations de mettre en place tous les canaux nécessaires au déploiement du self data.

En liant mise en conformité des systèmes de traitement des données et innovation, la nouvelle réglementation européenne a agi comme un levier pour convaincre les acteurs d’investir pleinement ce champ d’exploration.

Le droit à la portabilité a en outre permis la création de nouveaux services traitant de données qui échappaient jusqu’alors à tout partage. Pour nous, cela a été une façon de mobiliser les start-up : les données ne sont plus soumises au bon vouloir des entreprises. Elles doivent rester disponible de manière pérenne.


1 https://www.mesdatasetmoi-observatoire.fr/article/rgpd-un-salut-europeen

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