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L’investigation numérique, révolution de la pratique journalistique

28.01.2021

Le numérique a bouleversé le monde médiatique : redéfinition des modèles économiques, culture de l’instantanéité… et façon d’enquêter. Les technologies, le web et sa profusion de data ont fait émerger une nouvelle forme de journalisme d’investigation.

Les données au coeur du métier de journalisme

Aujourd’hui, le numérique, le web et le développement des réseaux exigent de repenser la façon de faire du journalisme. Le terrain, autrefois connu comme principal lieu pour enquêter, est désormais parfois mis au second plan derrière le digital. On parle alors de journalisme de données ou de “journalisme en sources ouvertes”. Panama papers, Football Leaks, Paradise papers, violences policières… Depuis plusieurs années, l’investigation et le data journalisme ont révélé des centaines d’affaires sans précédent.

La data est donc au cœur du métier de journalisme et les rédactions investissent ce domaine qui ne cesse d’évoluer et de s’adapter. Les nombreuses sources disponibles sont autant d’outils qui permettent de mieux comprendre l’actualité. La vulgarisation des logiciels d’analyse data, la baisse du prix des ordinateurs, la simplicité des outils en ligne et la mise en ligne de données publiques rendent cette méthode de travail accessible à de plus en plus rédactions. En effet, à moins de vouloir extraire des données non libres (via le data-scraping), il n’est plus nécessaire de disposer d’ordinateurs très puissants pour décoder ces données.

Ce type de journalisme est loin d’être dénigré. En mai 2020, le travail de datajournalisme de Bellingcat a été récompensé par le prestigieux European Press Prize. Les journalistes de ce média britannique d’investigation ont étudié des données trouvées sur le web qui leur ont permis d’identifier les empoisonneurs de l’ancien agent double russe Serguei Skripal et de sa fille Ioulia. Leur méthode s’est appuyée sur des logiciels, images et banques de données en libre accès - Google Earth, YouTube - mais aussi des fichiers de résidence ou de cartes grises, facilement traçables sur le Web…

L’internaute, un informateur malgré lui

Les données utilisées par les journalistes sont donc produites par les internautes : une photographie postée sur Instagram ou la géolocalisation d’un post facebook peuvent devenir des pièces à conviction. Lors des violences au Capitole américain début janvier, des journalistes se sont appuyés sur les très nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux par les partisans de Donald Trump. Ces précieuses données ont permis de comprendre comment l’entrée du Capitole avait pu être forcée, mais aussi comment un policier en était venu à tirer sur une manifestante. Grâce à un logiciel de reconnaissance faciale, le Washington Post a pu même identifier certains des émeutiers.

En France, le travail du journaliste David Dufrene illustre parfaitement le phénomène. Sur Mediapart, David Dufrene a construit une enquête sur les violences policières en compilant un ensemble de vidéos tournées par des gilets jaunes, des témoignages de victimes, de données publiées sur Twitter ou Facebook.

Mais si les données sont produites par les internautes, cela ne veut pas dire que les internautes savent qu’elles pourraient être utilisées par des journalistes, ou qu’ils les mettent de plein gré à disposition des journalistes. Par exemple, l’enquête de BellingCat sur la tentative d’assassinat de l’ex-agent double russe Serguei Skripal, s’appuie sur des sources publiques mais aussi sur des fuites de bases de données ; les articles sur l’attaque du Capitole se sont également nourris des fuites de données du réseau social Parler.

Le journaliste reste un médiateur essentiel

Une partie des données utilisées sont issues des réseaux sociaux, de Wikipédia, Google Actu ou d’un autre site public. Mais les journalistes ne s’arrêtent pas là et le deep web, regroupement des données non référencées ou même le dark web sont devenus les nouveaux terrains de jeu afin de bénéficier de documents fiables et rares à transmettre aux citoyens.
Ce n’est pas parce que les données qui font la richesse des investigations se baladent en liberté sur le web qu’il est facile de les trouver, les lire et les comprendre. Au contraire, pour Baptiste Boutier, journaliste chez Libération, le travail de journaliste “consiste à créer des bases de données à partir de sources existantes et accessibles mais qui sont dispersées, puis de les mettre en forme de façon attractive, car il faut reconnaître que l’affiche des données peut être rébarbative”. Le travail de recueil de données est loin d’être à la portée de tous.

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