Parlons (enfin) de cyberharcèlement ! (2/2)
L’usage des smartphones, tablettes et ordinateurs par les adolescents a fait émerger de nouvelles pratiques sociales et communicationnelles, à l’origine d’une mutation des procédés de harcèlement, aux effets potentiellement ravageurs. Episode 2/2.
Suite du premier épisode proposant une définition et une description des phénomènes de cyberharcèlement
Les armes du cyberharceleur
Les auteurs de cyberharcèlement peuvent recourir à un large éventail de méthodes : envoi de menaces, mensonges ou rumeurs via les médias sociaux ; jeux en ligne, messageries instantanées, chats et téléphone (appels ou SMS)… ce lynchage et cette traque (stalking) virtuels consistent à harceler une victime plusieurs fois par jour sur son smartphone, avec pour but de nuire à son sentiment de sécurité. Certains vont jusqu’à diffuser des photographies ou vidéos prises à l’insu de la victime dans des lieux relevant du privé (sanitaires, vestiaires…) ; quand d’autres pratiquent la sextorsion, qui consiste à montrer des parties intimes de son corps.
Le revenge porn, lui, intervient lorsqu’un(e) partenaire éconduit(e) divulgue sur le web des photographies ou vidéos de son « ex » classées X. Le happy slapping ou vidéo-agression consiste à filmer puis diffuser l’agression physique d’un individu à l’aide d’un mobile. Enfin, la psychologue britannique M. Elliott évoque des cas de création de site web destiné à publier des informations privées ou médisantes sur un ou plusieurs individus, ou bien encore de concours en ligne dévolus à l’évaluation de personnes classées sur des critères physiques.
Ces méthodes ont pour point commun de se servir de l’évolution des technologies pour poursuivre un objectif de nuisance, tel que discréditer une personne, l’humilier, la blesser, se moquer, nuire à sa réputation, la faire exclure de l’espace numérique…voire l’anéantir psychologiquement.
La nécessité d’une approche globale
Ainsi que le souligne M. Elliott, la prévention du cyberharcèlement doit impliquer l’ensemble des personnes et acteurs concernés, comprenant les parents, les victimes, le personnel scolaire, les harceleurs, mais aussi les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou de téléphonie mobile1 :
- Pour les parents, il convient d’observer et d’encadrer les pratiques numériques de leurs enfants en fixant des règles simples, et d’être ouverts au dialogue afin de les amener à se confier si quelqu’un dit ou fait quelque chose en ligne qui les perturbe. Surtout, les parents doivent en mesure d’alerter rapidement la police2 si certains messages comportent des menaces physiques voire des incitations au suicide.
- Pour les victimes, M. Elliott conseille de « ne pas répondre, ne pas rétorquer et ne pas effacer et essayer de ne pas se laisser atteindre. D’ignorer !3 ». Il est également important de ne pas s’isoler et de ne pas hésiter à se confier à quelqu’un de confiance.
- Les professionnels de l’éducation (enseignants, chefs d’établissements, psychologues scolaires…) doivent faire front et mettre en place des activités de sensibilisation permettant de faire de la pédagogie auprès des enseignants, des parents et des élèves. Les établissements scolaires se doivent de disposer d’une politique leur permettant de réagir rapidement, et de fermer tout site relevant de leur responsabilité. Bref, il faut établir une politique positive globale de prévention et de prise en charge du cyberharcèlement adaptée au public concerné et au contexte de l’établissement scolaire.
- Pour les harceleurs, il est nécessaire d’être inflexible, de n’accepter aucune fausse excuse (« c’était juste pour s’amuser !4 »), de sanctionner dès que le cas se présente et, surtout, de les amener in fine à changer de comportement et à réparer les dommages qu’ils ont pu causer.
Si les nouvelles technologies sont une arme utilisée par les harceleurs pour mettre à mal leur victime, ces dernières peuvent tout aussi bien servir d’outil de prévention, d’écoute de soutien des jeunes en situation de cyberharcèlement (e-Enfance5, APHEE6, Génération Numérique7). En outre, les médias sociaux représentent pour les associations des moyens de communication efficaces pour faire connaître leurs projets (auprès des parents, des adolescents et des établissements scolaires), récolter des fonds, animer une communauté ou moderniser leur gestion interne.
Il est aujourd’hui nécessaire de prendre toute la mesure des opportunités et des risques que représentent les nouvelles technologies. Cela passe par l’éducation aux écrans des jeunes générations, et l’accompagnement vers un usage raisonné des nouvelles technologies et des outils de communication. Pour faire face aux situations de cyberharcèlement, il s’agit en premier lieu de rompre la spirale du silence dans laquelle nombre de victimes s’enferment, et de ne pas hésiter à aborder la question du cyberharcèlement en tant qu’enseignant, parent, ami…
À la fin d’un cours sur la réputation et le cyberharcèlement, une étudiante, accompagnée de son amie, est venue se confier en me disant : « vous êtes la première à aborder le cyberharcèlement en cours. J’ai été harcelée tout ma scolarité. Mes parents ne le savent pas. C’est la première fois que j’en parle et je vous en remercie. ». Ce témoignage poignant montre à quel point il relève de notre responsabilité à tous de tendre la main à toutes celles et ceux potentiellement victimes de tels harcèlements, et d’empêcher l’enlisement de ces situations, qui peuvent parfois mener à des réactions extrêmes que personne n’avait semblé avoir pressenties.
1 https://www.cnil.fr/fr/reagir-en-cas-de-harcelement-en-ligne
2 https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32239
3 Ibid. , p. 133
4 Ibid. , p. 124
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