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Vie privée
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Reprendre le pouvoir sur ses données avec le self data

15.03.2019

Certaines grandes organisations partagent avec leurs clients les informations qu’elles détiennent sur eux et proposent des outils pour leur permettre d’utiliser ces données. C’est ce que permet MesInfos : une expérimentation initiée par la Maif et la Fing.

Manon Molins, responsable projet MesInfos, et Sarah Medjek, chargée de mission MesInfos répondent à nos questions sur le projet.

Comment le projet MesInfos a-t-il émergé ?

Manon Molins : Le pilote MesInfos a été lancé en 2016. C’est un projet qui avait comme objectif d’implémenter le self data à grande échelle, autrement dit de permettre aux individus de reprendre le contrôle sur leurs données. Ce programme a été lancé à l’initiative de la Maif qui a souhaité équiper ses sociétaires d’un outil pour maîtriser leurs données personnelles, et donc d’un cloud personnel.

A la Fing, nous avons été séduits par l’idée d’accompagner cette innovation autour du contrôle des données personnelles par les individus eux-mêmes. Il nous a semblé que ce projet avait besoin d’être fait avec plusieurs partenaires pour réussir. Nous avons réuni une quinzaine de partenaires privés et publics, parmi lesquels cinq – dont la Maif – ont accepté de partager avec les utilisateurs les données qu’ils ont sur eux.

En pratique, comment MesInfos s’est-il construit ?

Manon Molins : Le pilote MesInfos a été testé par 2 000 sociétaires de la Maif qui ont pu chacun disposer de leur propre cloud personnel créé par la start-up Cozy, et récupérer les données les concernant. Par exemple, Orange a partagé avec les testeurs leurs données liées à son service de vidéo à la demande (ce qu’ils ont vu, à quelle heure, quand), leurs données de géolocalisation, de relevés d’appels (qui ils ont appelé, à quelle heure et pour combien de temps). GRDF, Enedis et le Grand Lyon via Veolia ont partagé les données des compteurs d’eau, de gaz et d’électricité. La Maif a partagé les données issues des contrats d’assurance.

Ce volet de partage d’informations constitue la première partie du pilote. La deuxième partie vise à encourager l’utilisation de ces données, à en tirer des usages. Afin que ces usages émergent, nous avons lancé un concours mais aussi des hackathons pour que les développeurs puissent proposer des applications aux testeurs.

Qu’est-ce qui amène les internautes à utiliser un MesInfos, ou un autre PIMS (Personal Information Management System) ?

Sarah Medjek : Un PIMS (Personal Information Management System) propose un usage inédit des données personnelles. Les utilisateurs cherchent un service d’émancipation. Ils cherchent à contrôler qui a accès à leurs données. Les applications de réutilisation des données est une motivation seconde pour les utilisateurs.

Mais ce qui compte réellement c’est la facilité d’utilisation de l’outil, et l’utilité perçue. Les individus doivent comprendre de façon tangible ce que leur apporte un Personal Information Management System, comment son usage leur apporte de la valeur quotidiennement. Finalement, si c’est souvent une volonté de contrôle qui amène les utilisateurs à s’intéresser aux PIMS, c’est une question d’expérience avec l’outil lui-même qui les fait adopter sur la durée ce type de services.

Pour les utilisateurs, qu’est-ce que permet le self data ?

Sarah Medjek : Le réel enjeu du self data c’est de pouvoir réutiliser les données personnelles pour en tirer de la valeur. Une fois qu’on a récupéré ses données personnelles, souvent on ne sait pas trop quoi en faire. Rares sont les personnes capables d’exploiter elles-mêmes tout le potentiel de ces informations. Il est essentiel d’avoir un service qui les traite.

Nous avons développé avec Cozy des sortes de ‘tuyaux’ qui permettent aux individus de collecter leurs données chez les entreprises dont ils sont clients : que ce soit des banques, des opérateurs téléphoniques… Une fois les données récupérées, des applications, développées par Cozy et la Fing, sont à la disposition des individus pour leur permettre de réutiliser leurs données personnelles. Par exemple, nous avons deux applications qui permettent aux utilisateurs de faire des économies d’énergie, une troisième permet de mieux gérer son temps. D’autres applications ont été développées : pour gérer les données de son domicile, un drive pour stocker des documents, etc.

Ce qu’on a appris avec l’expérimentation MesInfos, c’est que les utilisateurs privilégient les applications utiles, et ne retiennent pas celles qui leur donnent des informations anecdotiques ou simplement amusantes. Les utilisateurs se sont également tournés vers des services qu’ils avaient déjà l’habitude d’utiliser comme le cloud. Même si nous nous sommes rendu compte qu’au fil de nos communications, les testeurs ont peu à peu été tentés par de nouveaux usages.

A part les particuliers, quels acteurs sont demandeurs de self data ?

Manon Molins : On a remarqué que plus qu’une demande des particuliers, il y avait une forte demande des acteurs publics locaux de se positionner comme des activateurs de réseaux self data. Ils souhaitent réunir autour d’eux des organisations privées et publiques, mais aussi des citoyens et des associations pour implémenter le self data. Il est vrai qu’un acteur public est légitime dans le rôle d’animateur de réseau, puisqu’il est souvent lui-même détenteur de données personnelles. Il peut partager les données qu’il détient, et il peut également encourager tous ses partenaires à faire de même. De plus, les acteurs publics ont déjà des liens de confiance avec les citoyens, ce qui facilite de tels projets.

Suite de l’entretien à lire dans un article consacré au retour de la confiance entre utilisateurs et organisations

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