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Risque et sécurité
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Le tour du monde d'un post Facebook

15.02.2017

Pour proposer une sélection de publication personnalisée à chacun de son 1,7 milliard d’inscrits dans le monde, le réseau social doit stocker des milliards de données. Et pour cela, il les fait voyager. Suivons leur périple.

Mesdames les données, attachez vos ceintures, le décollage est imminent ! A chaque fois qu’un utilisateur de Facebook clique sur « publier », il envoie son contenu faire un long voyage. Chaque « J’aime », photo, commentaire, information de profil ou relation d’amitié nouvelle qui fait l’objet d’un post sur le réseau social dispose ainsi d’un passeport pour un tour du monde. Toutes les données de chacun des 1,7 milliard d’utilisateurs de ce site, qui est le troisième le plus consulté du monde, ont la même destination : les États-Unis. Mais selon leur pays de départ, le trajet et les escales diffèrent. Les données des utilisateurs américains de Facebook ne voyagent que sur les lignes domestiques, sans jamais quitter les États-Unis.

Cap sur le cercle polaire

Les données émises partout ailleurs sont des voyageurs internationaux. Suivons par exemple le parcours d’une photo postée sur le réseau social via un smartphone situé à Paris. La suite de 0 et 1 qui décrit l’image en langage informatique est instantanément transférée par les airs, via les antennes-relais wifi, pour rejoindre les câbles de fibre optique qui constituent les autoroutes du réseau numérique. Ces voies portent « Internet » et les données publiées jusqu’aux serveurs de Lulea, en Suède.

C’est en effet aux confins du cercle polaire que Facebook a bâti le « data center » -ou « ferme de serveurs »- qui accueille les données de ses utilisateurs européens, soit plus de 310 millions de personnes. Notre photo en provenance de Paris y séjournera quelque temps. Au fil des jours, elle perdra son caractère de nouvelle venue sur le réseau social, et suscitera de moins en moins de réactions, jusqu’à s’enfoncer dans les profondeurs du flux de publications de son auteur. Évincée des discussions en cours, voire oubliée par les utilisateurs, elle sera toutefois conservée par Facebook comme un contenu « froid ». C’est aux États-Unis que la photo ira aller couler une retraite paisible, dans d’autres serveurs de Facebook, destinés à l’archivage.

Un « tunnel numérique sous l’Atlantique »

Pour ce faire, après avoir quitté les horizons enneigés de Lulea, la photo rejoint le Royaume-Uni, pour se présenter à l’entrée de l’un des câbles de fibre optique qui tapissent le fond de l’Océan Atlantique et qui constituent un véritable « tunnel numérique sous l’Atlantique ». Actuellement, ces voies rapides qui font transiter 90% des milliards de milliards de données issues de tous les sites implantés sur une rive ou l’autre. Mais pour éviter les embouteillages et accélérer le trafic, Facebook et Microsoft ont décidé de construire leur propre câble, qui devrait être opérationnel d’ici à la fin 2017. L’embarquement pour les États-Unis ne se fera donc plus sur les côtes britanniques, mais à Bilbao, en Espagne.

Si notre photo parisienne emprunte ce nouvel itinéraire, elle arrivera sur le territoire américain par la Virginie du Nord, après avoir parcouru 6 600 km. De là, elle rejoindra l’une des trois fermes de serveurs américaines de Facebook : à Forest City en Caroline du Nord, à Altoona dans l’Iowa ou à Prineville dans l’Oregon. L’itinéraire des données pourra être modifié à l’avenir, puisque le réseau social a annoncé la construction prochaine de deux nouveaux « data centers » aux États-Unis (à Fort Worth au Texas, et à Los Lunas au Nouveau-Mexique) ainsi qu’un autre en Europe, précisément à Clonee en Irlande.

Voyager à la vitesse de la lumière

Plus de 1000 serveurs sont mobilisés quand un utilisateur consulte son compte Facebook sur son mobile pendant 30 secondes. Étant hébergées en différents endroits à travers le monde, les données voyagent donc à la vitesse de la lumière. Ou presque : cette rapidité sera atteinte avec le Li-Fi, une technologie française de diffusion des données grâce à des ampoules LED, qui est dix fois plus rapide que le Wifi et qui devrait équiper les smartphones à l’horizon 2020.

Facebook veille à n’oublier aucune donnée. Le géant américain a même inventé une nouvelle technologie de serveurs, plus faciles à réparer, pour garantir sa mémoire immédiate et de long terme, et prévenir le risque de perte d’informations. En se souvenant ainsi de ce qui a suscité l’intérêt de chaque utilisateur, son algorithme peut sélectionner les nouvelles publications qui ont le plus de chances de lui plaire. Mais la collecte et la conservation de ces données ont aussi une valeur marchande pour Facebook. C’est en vendant ces données que le réseau social parvient à vivre et à développer ses services. En 2014, le réseau social gagnait 28,68 dollars (= 27,30 euros) par utilisateur aux États-Unis, soit le double de ses recettes par utilisateur européen (11,60 dollars = 11 euros) et même six fois plus que les revenus tirés des données d’un utilisateur asiatique (4,46 dollars = 4 euros) ou du reste du monde (3,35 dollars = 3,18 euros). Ces écarts de revenus s’expliquent à la fois par l’intérêt des annonceurs pour telle ou telle zone géographique de chalandise, mais aussi par la liberté d’utilisation des données accordée à Facebook par le régulateur de chaque pays.

Passeport, s’il vous plaît

Le gouvernement chinois s’autorise à connaître toutes les données émises par ces citoyens, mais peu enclin à ce qu’une entreprise américaine diffuse des informations sur lesquelles il n’a pas apposé son droit de regard. Le régulateur américain, lui, est de loin le plus souple. L’Europe en revanche exige que l’utilisateur soit prévenu avant qu’un tiers utilise (ou vende) les données des internautes sur son sol.

La transhumance des données pose ainsi la question de la garantie de la confidentialité en fonction de la zone géographique de leur stockage. L’Europe est très active dans ses négociations avec les pays étrangers pour faire respecter la liberté des utilisateurs européens à garder le contrôle sur l’utilisation faite de leurs données. Mais chaque utilisateur a la responsabilité de prendre connaissance des conditions générales de ventes qu’il accepte quand il devient membre d’un réseau social, et de vérifier les réglages de confidentialité. Il reste ainsi maître du « passeport » qu’il donne à chacune de ses publications.


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