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Parentalité numérique
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Du bon usage des réseaux sociaux dans l’enseignement

12.11.2020

Le confinement accroît l’attractivité des réseaux sociaux. Mais peuvent-ils être utilisés dans le cadre de l’enseignement ? Oui, à condition de s’entourer des plus grandes précautions.

Face à la crise sanitaire qui prive en partie la jeunesse française d’une instruction républicaine, les outils numériques deviennent incontournables. Selon notre dernière étude, 59 % des enseignants présents sur Twitter ont mentionné un outil utilisé pour l’école à distance. Mais qu’est-ce que ces nouveaux usages impliquent pour la communauté enseignante ? Nous avons posé la question à L’Autonome de Solidarité Laïque (L’ASL), une association qui a pour but de protéger les personnels de l’éducation et prévenir les risques de leurs métiers. Cette action prend notamment la forme d’un partenariat avec la MAIF pour assurer les membres de la communauté éducative dans l’exercice de leur profession.

Un enseignant peut-il utiliser les réseaux sociaux pour faciliter le déroulé des cours ?

Réponse de Sylvie Guyot, secrétaire générale de L’ASL :

Bien entendu le numérique est un outil qui s’est avéré indispensable à la mise en œuvre de la continuité du lien entre les enseignants et leurs élèves. Mais, les risques sont effet très nombreux, notamment dans la mise en place qu’il a fallu mettre en œuvre dans des délais très courts compte tenu des circonstances et qui a conduit nombre d’entre eux à utiliser des outils non fournis et recommandés par l’institution. Il n’est jamais totalement possible de s’assurer de la protection de ses données avec l’usage de réseaux sociaux non contrôlés et à usage de tout public.

Oui, il est sans doute possible d’assurer la continuité pédagogique par l’usage du numérique, mais il est indispensable de développer un numérique responsable et souverain.

En ce sens, Il faut pouvoir fournir un numérique dédié, avec un code de conduite pour tous, enseignants, élèves et familles, en renforçant la dimension éthique. Et puis, il est nécessaire de cadrer l’enseignement à distance dans le temps, dans la relation avec les élèves, avec les parents. C’est indispensable pour pouvoir apporter un cadre sécuritaire de travail aux enseignements à distance, pour l’ensemble de la communauté. C’est ce que L’ASL a d’ailleurs porté aux Etats Généraux du Numérique dans l’atelier auquel nous avons participé.

Les outils numériques deviennent incontournables.

Peut-on parler d’une aggravation globale des incidents liés au numérique ?

Réponse de Vincent Bouba, président de L’ASL :

Dans les dossiers liés aux risques numériques que L’ASL traite, nous constatons une évolution au fil des années. Si le nombre de dossiers ont été en augmentation au début des années 2000, nous notons à présent une relative stabilité (autour de 300 dossiers par an). Cependant, cette stabilité ne dit rien sur la gravité des situations que nous pouvons rencontrer.

La raison de l’augmentation des années 2000 peut être que l’outil numérique était mieux maîtrisé par les élèves que par les enseignants car c’était un outil naissant. A présent, avec le renouvellement des générations, du développement des pratiques numériques… les personnels sont certainement plus à même de mieux gérer ces espaces virtuels, mais qui ont bien des incidences et impacts dans la vie réelle et donc à l’école.

Les dossiers traités sont souvent liés à des propos tenus par des parents d’élèves, par des élèves.

Nous sommes ainsi passés d’un usage débridé d’un nouvel outil (envois de mails désobligeants, mises en ligne de blogs sous couvert d’anonymat…) à des attitudes plus violentes (diffusions de photos de classe, vidéos en live de scènes de classe, déchainements d’insultes sur Facebook, usurpations d’identité de l’enseignant, prises de photographies de la cour de récréation pour tenter de démontrer un défaut de surveillance…).

La protection des données personnelles est par ailleurs au centre des réflexions.

Comment réagir lorsqu’un élève contacte un enseignant sur les réseaux sociaux ?

Réponse de Vincent Bouba, président de L’ASL :

L’enseignant doit évoquer cela immédiatement avec l’élève afin de lui faire comprendre que la relation entre professeur et élève est uniquement fondée sur la transmission des savoirs. Le web et les réseaux sociaux ont rendu possible cette relation hors des murs de la classe et il est désormais possible de garder contact bien en dehors des heures de classe. Ce qui peut être non seulement générateur de risques liés au métier mais également de tensions, difficultés, d’inquiétudes de la part des enseignants. Les publications sur les réseaux ne s’arrêtent jamais, le jour, la nuit, hors de la classe, et cela peut être très difficile à endiguer. Les débordements sur la vie privée peuvent aussi avoir des conséquences très fâcheuses.

Les contacts entre les élèves et les enseignants ne sont donc pas à encourager sur les réseaux sociaux. Tout échange épistolaire est à proscrire.

Nous conseillons ainsi aux enseignants de s’en tenir aux moyens numériques proposés au sein de l’établissement scolaire. Ceux-ci présentent l’avantage de garantir des pratiques sécurisées, dans un cadre validé et mis en œuvre par l’Éducation nationale (correspondances avec les élèves, avec les parents d’élèves, utilisation du courriel professionnel, prêter attention à la rédaction des messages, …).

Il est vrai aussi que le numérique a changé nos pratiques et a un impact sur les pratiques professionnelles. L’école n’est bien évidemment pas en dehors de ces évolutions, et les enseignants ne travaillent pas de la même manière. Les relations avec le numérique ont changé de temporalité avec les élèves, les parents, les collègues. Des relations qui peuvent être plus rapides, plus proches, mais aussi plus distantes et qui peuvent générer du stress, de l’angoisse, de la tension, ou de la pression.

Zoom, Pronote et Discord sont les outils les plus cités par les enseignants

Quelle attitude adopter face à de potentielles insultes ou menaces sur les réseaux sociaux lorsqu’on est membre de la communauté éducative ?

Réponse de Maître Florence Lec, avocat-conseil de L’ASL :

Il faut agir très vite car malheureusement l’actualité récente nous a montré l’extrême danger de la viralité des réseaux sociaux. Il conviendra de faire supprimer les propos via l’hébergeur tout en conservant une preuve par voie de constat d’huissier. En tout état de cause, il est nécessaire de ‘‘faire le tri’’ entre des propos qui ne seraient pas sanctionnés par la loi et des propos illégaux, injurieux, outrageants, diffamatoires… Il convient alors de se rapprocher de la délégation de L’ASL départementale, de ses militants et de son avocat afin qu’ils prodiguent les conseils afin d’agir à bon escient. Parfois, face à des propos qui relèveraient plus de la critique – et donc non sanctionnés légalement –, une médiation en interne par la voie de la hiérarchie est souhaitable voire nécessaire. L’académie et le rectorat doivent être sans faille dans le discours et le soutien aux personnels enseignants.

Pour des propos qui sont illégaux car diffamatoires ou relevant de la dénonciation calomnieuse ou du harcèlement moral (…), il faudra alors se tourner vers les procédures et les juridictions pénales compétentes. Par exemple, le tribunal de police est compétent pour des propos diffamatoires non publics alors qu’il ressort du tribunal correctionnel d’examiner les propos diffamatoires publics. Attention, en matière de diffamation, il faudra agir très rapidement, la prescription est de trois mois !

Quelle est la bonne posture à adopter si un enseignant est témoin des difficultés d’un enfant sur les réseaux sociaux ?

Réponse de Maître Florence Lec, avocat-conseil de L’ASL :

L’enseignant agira de manière différente en fonction de la gravité des propos qui sont tenus. Dans les cas les plus graves, je rappelle les dispositions de l’article 40 CPP qui impose « à toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’une délit » une obligation de signalement au procureur de la République. En effet, à travers ‘‘les difficultés’’ que vous indiquez, il y peut y avoir des situations de harcèlement moral, d’injures, des menaces (…) qui constituent des infractions susceptibles d’être sanctionnées par les juridictions pénales.

En tout état de cause, il conviendra que l’enseignant en informe immédiatement, le chef d’établissement, son inspecteur, sa hiérarchie afin de faire cesser sans délai cette situation. Cela notamment si les auteurs de ces attaques sont des élèves du même établissement que l’élève victime. Dans cette situation, s’il s’agit d’élèves du second degré, une procédure disciplinaire pourra être mise en œuvre.

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