L’écologie digitale, ou l’art de la sobriété numérique heureuse ?
À votre avis, le numérique est-il un frein, ou un moteur de la transition écologique ? La question divise la société. Lumière (en 6 questions-réponses) sur l’écologie digitale, un mouvement qui pourrait bien mettre un terme positif au débat.
Connaissez-vous le coût énergétique d’un seul like ? Il est estimé en moyenne à 0,025 Wh. La majorité d’entre nous l’ignore, car ce coût est le plus souvent passé sous silence.
Chaque jour, nous sommes pourtant 4 milliards à nous connecter au moyen de 34 milliards d’équipements numériques. Bilan de la facture : beaucoup de likes, 4 % des émissions de gaz à effet de serre et 6 à 10 % de la consommation électrique mondiale. Sous couvert de cloud, nos services digitaux fonctionnent grâce à des infrastructures qui sont, elles, bien matérielles — et énergivores. Le réseau internet par exemple : si la Toile formait un pays, celui-ci serait le 3ème consommateur d’électricité mondial. Si cela semble impressionnant, ce n’est pourtant qu’un début, car l’univers numérique est en pleine expansion, avec une croissance exponentielle. Selon le journaliste Guillaume Pitron, auteur de l’enquête L’enfer Numérique, à terme, le numérique pourrait ainsi devenir « la plus grande infrastructure de l’histoire ». Mais cette expansion a une limite. D’après le collectif Green IT, si nous n’agissons pas, le numérique pourrait constituer d’ici une génération une ressource (immatérielle) critique non renouvelable. Cela signifie que l’avenir d’internet, mais aussi la mémoire de nos sociétés modernes, dont une partie sommeille dans des data centers, est désormais en jeu.
Conscient de ces enjeux, le mouvement pour un numérique responsable travaille à trouver des solutions durables, c’est-à-dire écologiques.
Qu’est-ce que l’écologie digitale ?
Selon l’étude du cabinet Occurrence commandée par l’ONG Digital for the Planet, 91 % des Français interrogés considèrent l’écologie digitale comme un sujet politique et sociétal majeur. Mais parmi eux, 75 % avouent leur ignorance à ce sujet.
L’écologie digitale (ou numérique) désigne le courant de pensées, la démarche techno-sociétale qui fédère les acteurs engagés en faveur d’un numérique responsable, c’est-à-dire soutenable et profitable pour la planète, la société et les personnes. Ce mouvement favorise notamment les usages et les technologies les plus éthiques, les plus économiques et les plus durables : celles qui génèrent le plus « d’externalités positives » (c’est-à-dire de bienfaits et d’économies).
En quoi cela consiste-t-il ?
L’écologie digitale vise en priorité la sobriété numérique de nos sociétés, qui n’est pas synonyme de décroissance, mais de croissance éclairée, c’est-à-dire raisonnable et raisonnée. Dans son manifeste intitulé Sobriété Numérique : les clés pour agir, Frédéric Bordage explique que ce principe vise à réduire assez la place du numérique dans nos vies pour supprimer ses méfaits sur nos sociétés et sur notre planète. Promouvoir les communs numériques, systématiser le réemploi de nos équipements, employer les données environnementales (dites « d’intérêt général »), ou encore favoriser une transformation digitale responsable des entreprises (comme Transfo.green), représentent quelques-uns des principaux leviers d’actions écologiques en faveur de la sobriété numérique.
Pourquoi la sobriété numérique ?
Comme nous l’avons vu en introduction, le train de vie numérique (et énergétique) actuel de nos sociétés n’est pas soutenable à moyen-long terme.
Pour réduire ce train de vie sans renoncer complètement à nos modes de vie, deux grandes solutions existent relevant de la sobriété : l’écoconception des équipements (en amont), et leur réemploi (en aval). La fabrication de nos équipements numériques (soit l’extraction des minerais et leur transformation en composants électroniques) représenterait en effet à elle seule plus de la moitié de l’impact environnemental lié au secteur. Fabriquer moins d’équipement, rallonger leur espérance de vie et leur donner si possible une seconde vie diminuerait donc massivement cet impact. Actuellement, rappelons que seulement 10 % à 20 % de nos terminaux seraient réemployables.
Qui sont les leaders français de ce mouvement ?
Un riche écosystème d’acteurs publics et privés engagés en faveur d’un numérique responsable s’inscrivent aujourd’hui dans une démarche écologique.
Les plus influents sont l’Institut du Numérique Responsable, l’ONG Digital for the Planet, le collectif GreenIt.fr, l’initiative Planet Tech’Care et le think tank The Shift Project. Le Ministère de la Transition Écologique a également pris part au mouvement avec l’écosystème Greentech Innovation. Du côté des entreprises, citons entre autres l’opérateur téléphonique TeleCoop, le premier opérateur d’intérêt collectif engagé en faveur d’un numérique responsable. L’entreprise encourage en effet ses utilisateurs à la sobriété d’usage, notamment en limitant ses offres mobiles.
Que fait la France en matière d’écologie digitale ?
La France et plus largement l’Europe sont à l’avant-garde du numérique responsable.
En France, on assiste même à l’émergence d’une régulation environnementale du numérique inédite au monde. Le 12 janvier 2021, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à « Réduire l’Empreinte Environnementale du Numérique en France » (REEN). Ce texte est le premier projet de loi à se saisir de l’impact environnemental du numérique en lui apportant des solutions concrètes. L’indice de réparabilité prévu par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire intègre également un volet consacré au numérique. Objectif affiché : atteindre d’ici 5 ans 60 % de taux de réparation des équipements électriques et électroniques.
Comment responsabiliser ma vie digitale ?
Inscrire sa vie digitale dans une démarche plus écologique est à la portée de tous ! Au quotidien, chacun peut notamment réduire l’empreinte environnementale de ses usages numériques. Mais gardez à l’esprit que les grandes entreprises sont les premières responsables de l’impact du secteur.
Voici les cinq écogestes les plus efficients :
- éteindre ses appareils électriques la nuit
- débrancher sa box internet en cas d’absence
- éviter le suréquipement
- privilégier la télévision et la radio quand cela est possible,
- conserver le plus longtemps possible ses équipements, les recycler et les remplacer par des produits reconditionnés.
Pour aller plus loin, on vous recommande We Act for Good, l’application écoresponsable de WWF.
Aller plus loin
Pour repenser l’impact de vos activités numérique sur l’environnement, consultez Reboot : un guide complet pour vous aider à y voir plus clair et à agir en faveur d’un numérique plus durable, respectueux de notre planète !
Face à l’urgence climatique, il est encore temps de changer de logiciel. Ensemble, faisons le choix d’un numérique éco-responsable.
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