Les jeunes abonnés : nouvelle cible des influenceurs adeptes du dropshipping ?
Leur audience est jeune, fan d’eux pour leur chaîne YouTube ou leurs aventures en téléréalité. Alors ces influenceurs se sont mis à faire la promotion de peluches, de bonbons… Décryptage d’un phénomène et conseils pour éviter ces pièges.
Pile : elle affiche un grand sourire. Face : sa mine est boudeuse. Vous l’avez sûrement croisé sur votre fil Instagram, ou dans les stories d’influenceurs, qui ont fait, en nombre et en boucle, la promotion de cette peluche poulpe réversible.
Il suffit de « swiper » leur story, c’est-à-dire, de glisser l’index de bas en haut sur son écran, pour atterrir sur un site qui vend le jouet à la mode. L’e-commerce est attrayant : coloré, bien construit, facile d’utilisation. L’animal aux deux humeurs y est vendu presque 15 euros.
Le droshipping : savoir de quoi il s’agit
J’ouvre mon application Instagram : je vois cette peluche. Je garde ma petite cousine de 11 ans : je vois cette même peluche dans le décor de sa chambre de pré-adolescente. Et quand je flâne sur AliExpress : je vois encore cette peluche. Sauf que, sur le site chinois, l’article, identique à celui présenté par les influenceurs d’Instagram ou de Snapchat, coûte entre 0,32 et 2,53 euros, selon les vendeurs et la taille choisie de la peluche.
C’est ce que l’on nomme le dropshipping : un business model qui consiste à vendre un produit que l’on ne possède pas en stock. L’article est acheté par le « dropshipper » sur des plateformes de vente au rabais, à l’instar d’AliExpress, d’Alibaba ou de Wish, sur lesquels il entre directement l’adresse du client quand celui-ci lui passe commande. Il ne se charge même pas lui-même de l’étape « livraison ». Le prix affiché sur la boutique en ligne bien léchée du dropshipper est donc gonflé artificiellement. Marge considérable assurée pour ce dernier.
Les influenceurs, complices de cette pratique douteuse
L’internaute est entrainé sur son site-vitrine via une publicité ciblée sur les réseaux sociaux et/ou un placement de produit sur le compte Instagram ou Snapchat d’un influenceur aux centaines de milliers voire aux millions d’abonnés.
Qui est alors dupée par cette stratégie de vente ? Ma cousine âgée 11 ans, qui n’a pas la vigilance ou la compétence d’identifier ces pratiques douteuses. Elle a simplement fait confiance à son influenceuse préférée qui lui a expliqué en trois stories trouver ce nouvel article « génial », « extraordinaire », ou « unique », et lui a raconté avoir dégotté un code promo rien que pour ses fans adorés, comme elle. Un abus de confiance - voire de crédulité - alarmant de ceux qui ont la responsabilité d’« influencer ».
Des placements de produits de gadgets d’ados, de jouets et de bonbons
Selon le profil des membres de leurs communautés, les influenceurs font la promotion de montres ou de bracelets « de luxe », ou encore, d’appareils pour se boucler les cheveux ou perdre du poids. Ils semblent alors viser un public de jeunes adultes.
Mais, entre deux stories dans lesquelles ils testent ce genre d’articles, voilà qu’ils font désormais la promotion de produits qui ciblent les adolescents, et les plus jeunes encore. Avec ces fameuses peluches poulpes, par exemple. Mais aussi, parmi les plus promus : avec des figurines d’ours en roses artificielles, des peluches bébé Yoda, des projecteurs « ciel étoilé », des bracelets personnalisés pour « BBF », à s’offrir avec sa meilleure copine du collège, des palettes de maquillage très colorées, du rose au dorée, dont le design rappelle celui de certains jouets.
Certaines influenceuses, elles-mêmes dropshippeuses, sont allées jusqu’à créer leur marque de make-up. La stratégie ? Dropshiper ces palettes et cosmétiques, mais y apposer leur logo et les emballer dans un packaging aux couleurs de leur marque. Une étape supplémentaire pour un prix qui s’envole.
Le Youtubeur beauté Fabian CR, suivi par 394.000 abonnés, a comparé dans une vidéo plusieurs produits commandés sur Ali Express à ceux de la marque MLIPS*, fondée par l’influenceuse aux 2,6 millions de followers sur Instagram et candidate de téléréalité Maddy Burciaga. Le vidéaste a maquillé la moitié gauche de son visage avec les produits de la marque de l’influenceuse, l’autre moitié, avec ceux du site chinois. Crash-test filmé : le spectateur a l’impression que le visage a entièrement été maquillé avec la même palette. Fabian CR constate : « Aucune différence, que ce soit au niveau des packagings, de la pigmentation, de l’effet sur la peau. (…) On ne peut pas cacher que les produits sont extrêmes similaires, voire identiques. »
Parlant aux plus jeunes avec tous ces gadgets et peluches, les influenceurs réalisent même des placements de produits pour… des paquets de bonbons.
« Vous souvenez vous des bonbons Fini que tout Instagram présentait à n’en plus finir ? Bizarrement, plus de nouvelles ces derniers temps suite à une polémique sur le fait qu’ils coûtaient bien moins chers en supermarché. Et bien ils sont réapparus sous un autre nom, Dream Candy, de nouveau vanté par tous les candidats de téléréalité… », déplore sur Linkedin Sophie Lebel**, directrice communication chez Wizbii, société de services pour faciliter l’entrée dans la vie active des jeunes.
« En plus du tarif quelque peu élevé pour des bonbons, il semblerait que certains consommateurs ne reçoivent pas leurs commandes », s’indigne-t-elle encore, après avoir lu de nombreux commentaires d’acheteurs en colère sur la page Facebook de la marque.
Un système de ventes qui flirte avec l’illégalité
Commandes jamais livrées, mais aussi service après-vente (SAV) inexistant, publicité mensongère quant à la qualité du produit… Ces déceptions surviennent souvent après une commande d’un article dropshippé.
Et si le dropshipping demeure légal (tant que l’activité en ligne est déclarée), il est souvent accompagné de ces pratiques commerciales déloyales, qui sont, elles, répréhensibles par le droit du commerce.
Quelques conseils pour éviter ces pièges
Pour que les jeunes (et moins jeunes) internautes détectent ces arnaques, il leur faut effectuer un court et simple travail d’enquête avant de valider leur panier.
D’abord, vérifier le site web : la plupart des adeptes du dropshipping utilisent la plateforme de commerce électronique shopify pour construire leur e-shop.
Autre indice : si la boutique en ligne affiche des soldes considérables sur la totalité de ses produits. Pour exemple, la peluche poulpe est prétendument soldée à 13,90 euros. Son prix « initial » barré ? 24,90 euros. Sur un autre site, l’ours en roses artificielles est vendu au prix de 54,90 euros HT. Et nous sommes chanceux, tente de nous faire croire le dropshipper, en affichant juste à côté un autre prix qui a été rayé : 110 euros HT.
Parfois, les dropshippers et les influenceurs qui acceptent cette stratégie de communication créent un marketing de la rareté autour du produit proposé, en prétextant qu’il s’agit d’une série limitée - alors qu’ils n’ont pas de stock. D’autres fois, ils affichent de manière très visible, sur toutes les pages du site, un badeau qui nous informe qu’il s’agit d’une promotion flash, accompagné même d’un minuteur, dont le décompte créé un sentiment d’urgence, pour que l’on s’empresse de dépenser avant de passer à côté de l’affaire du siècle.
Une fois ces indices collectés, l’ultime vérification sur le site se fait du côté des avis. Si ceux-là sont unanimement dithyrambiques ou que la pire note est 4 étoiles sur 5 : méfiance.
Enfin, si les dropshippers ont pensé à naviguer sur les sites chinois, pensez-y vous aussi. En quelques recherches sur ces plateformes, vous aurez le cœur net sur la valeur du produit et, au passage, sur la sincérité de l’influenceur que vous suivez fidèlement.
Si aucun résultat ne s’affiche lorsque vous taper le titre du produit ou sa description dans la barre de recherche : utilisez Google Images. L’option « Image inversée » (l’icône appareil photo à droite de la barre de recherche) sera votre ultime outil d’apprenti enquêteur, conseillé sur le blog de l’entreprise française de télécommunication NordNet***. Enregistrez l’image de l’article du site marchand sur votre ordinateur, puis importez-la dans Google Images (« choisir un fichier »). Le moteur affiche alors toutes les pages qui utilisent cette même image… dont celles des sites chinois.
- « ALIEXPRESS VS MLIPS (Maddy) », sur la chaîne YouTube de Fabian CR
** « Top 8 des plus grosses arnaques des « influenceurs » », par Sophie Lebel, sur LinkedIn
*** « Ne vous faites plus avoir par le dropshipping, ces faux bons-plans », par « Mélanie De NordNet », sur blog.nordnet.com.
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