L’éveil culturel et artistique passe aussi par le numérique
On a souvent tendance à opposer le numérique et la culture. Pourtant, la digitalisation des contenus culturels et les technologies numériques permettent de développer de nouvelles pratiques et de toucher de nouveaux publics à condition de les accompagner !
Depuis le confinement du printemps 2020, les contenus culturels semblent avoir envahi le web. Expositions, théâtre, concerts, musées, les recommandations sont infinies et circulent à toute vitesse dans les médias et sur les réseaux sociaux. Mais, si la crise sanitaire a accéléré leur diffusion, il existe pourtant depuis des années d’importantes ressources culturelles en ligne, souvent méconnues du grand public. En effet, la culture et le numérique n’ont de cesse d’être mis en opposition. Bien souvent, dans l’opinion publique, une pratique culturelle, quelle qu’elle soit, ne peut se faire de manière virtuelle, notamment parce que le numérique se résume souvent aux écrans. Citée dans un article de The Conversation, la psychologue Sophie Marinopoulos insiste pour ne pas mettre les écrans et la culture dos-à-dos. Les outils numériques font désormais partie de l’environnement dans lequel les enfants grandissent. Chercher à les bannir de leur vie serait contre-productif, d’autant qu’ils peuvent participer au développement, notamment culturel, des plus jeunes. Ce qui est reproché aux écrans - et donc au numérique par extension - c’est la passivité des enfants, le manque d’interaction et de manipulation pour les plus petits. Les adultes, et notamment les parents, sont régulièrement suspectés de coller leurs enfants devant les écrans, les laissant seuls, captivés et le cerveau en pause. Comment peuvent-ils s’éveiller culturellement et artistiquement ? Mais si vous leur mettez un livre entre les mains, dans une famille qui ne lit pas ou n’en a pas la culture, l’effet sera le même, explique encore Sophie Marinopoulos dans une interview pour Télérama. L’exemple se décline à l’infini, pour une visite de musée, une pièce de théâtre, une exposition…
Des ressources culturelles ludiques, interactives et virtuelles
Tout est question de lien et de transmission, peu importe les supports. Il existe, aujourd’hui, de très nombreux éditeurs de contenus numériques qui travaillent dans ce sens. Ils réfléchissent à de nouvelles interfaces, de nouveaux objets pour faire du numérique un support de l’éveil culturel et artistique. Marion Voillot, designer, doctorante au CRI, en évoque plusieurs dans un article de The Conversation et encore plus dans le MOOC « La petite culture numérique ». Par exemple, Sonic Solveig, un éditeur numérique de musiques interactives, propose des expériences immersives et transmédias pour découvrir les plus belles voix du jazz ou encore l’opéra au travers d’une application. De son côté, la start-up OVAOM propose aux plus jeunes de manipuler des instruments de musique numériques et de stimuler leurs concentration et motricité grâce à des objets connectés. Il y a aussi la maison d’édition Volumique qui propose des jeux ou des contes sur écran, dans lesquels l’enfant interagit grâce à des pliages en papier réalisés au préalable. On peut encore évoquer l’application Wakatoon, qui permet de colorier des images qui s’animent ensuite grâce à un système de reconnaissance sur l’appareil photo de la tablette ou les causeuses électroniques qui proposent une interface conversationnelle. La liste n’est absolument pas exhaustive, mais permet déjà de se rendre compte que tous ces éditeurs misent sur un numérique interactif, sans écran, dans lequel on met les mains, offrant aux enfants différentes expériences culturelles.
Pour les plus grands, les adolescents, là aussi les possibilités sont infinies. La crise sanitaire aura eu le mérite de les faire connaître et de les regrouper. Sous le #culturecheznous, le ministère de la Culture a recensé une offre exceptionnelle de ressources, notamment pour les adolescents. Par exemple, la Cité de Sciences a créé un parcours Sur les pas de Darwin pour lequel sont proposées des manipulations interactives. Il faut par exemple déplacer les différentes espèces recensées par Darwin dans les Îles Galapagos et comprendre les interactions du milieu. Le département de l’Ille-et-Vilaine a créé un docgame dédié à la première guerre mondiale, qui s’apparente à un escape game. Le musée Granet d’Aix-en-Provence a lui créé plusieurs « jeux des erreurs » à télécharger pour découvrir différents tableaux. A l’inverse, des outils cités précédemment, ces ressources sont gratuites, accessibles n’importe quand, n’importe où.
La médiation des adultes
Internet permet aujourd’hui d’avoir librement accès à un large champ de connaissances. Que l’on évoque les dispositifs interactifs, les objets connectés ou les ressources virtuelles, tous sont liés par la même nécessité : la médiation des adultes. Jamais un enfant n’ira télécharger une application de coloriage si on ne la lui suggère pas, tout comme jamais un adolescent n’ira se plonger dans un jeu animé sur la ville de Rennes si on ne l’y invite pas. Et c’est la même chose pour aller au théâtre ou visiter un musée, le lien et les interactions sont indispensables. Comme l’évoque Olivier Masson-Halimi, chargé de mission MIDELCA et interrogé dans le MOOC « La petite culture numérique », il faut différencier l’activité des modalités d’usage : l’enfant est-il seul ? Sur une tablette en groupe ? Dans une médiathèque, à l’école, avec les parents ? Quel est l’outil, le support utilisé ? Dès lors, le numérique n’est qu’un support de l’éveil culturel et artistique. Par ses contenus, il peut amener de nouveaux publics à découvrir le théâtre, l’opéra ou les musées.
Bien sûr, ces outils et ces interfaces nécessitent des moyens financiers et culturels, et la fracture numérique est une réalité, tant dans l’accès que dans les compétences. Mais c’est justement là que l’école a un rôle à jouer. Équiper les établissements scolaires de manière suffisante ne signifie pas seulement fournir des tablettes, mais des outils qui permettent de mieux se saisir du potentiel du numérique et d’accéder à ces contenus culturels. Le défi est donc désormais d’encourager ces interactions, et les adultes, enseignants, parents, animateurs, éducateurs, à se poser
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