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Mort numérique : à quoi ressemble l'au-delà sur Internet ?

31.10.2017

En 2016, la loi pour une République numérique ambitionnait d’encadrer les dispositions relatives à la mort numérique. Un an après, comment le concept a-t-il évolué ? Et comment les Internautes peuvent-ils prévoir leur avenir post-mortem en ligne ?

Andrew est un homme plutôt prévoyant. À 20 ans, persuadé de pouvoir mourir n’importe quand, il préparait déjà sa succession, en allant un peu plus loin que les précautions ordinaires… au moment de dresser l’inventaire de son testament, le jeune américain a demandé à son notaire de lister l’ensemble de ses biens numériques. C’est ainsi qu’en plus de son patrimoine matériel, ses légataires recevront également ses films de famille numérisés, ses comptes de réseaux sociaux, les noms de domaines qu’il détient et même quelques bitcoins.

Six pieds sous le Net

L’histoire d’Andrew Magliochetti, c’est le New York Times qui la raconte dans un article daté de 2015. Une histoire parmi tant d’autres. Car aux États-Unis, ils sont de plus en plus nombreux à inclure leurs capitaux numériques dans leurs droits de succession.

Avant l’ère digitale, il suffisait de lire un testament sur papier et de répartir les biens physiques entre les légataires désignés. Aujourd’hui, le patrimoine d’une personne peut également se trouver dans le cloud ou sur un compte Apple. Si les avocats américains parlent d’un étrange no-man’s land juridique, le pays semble avoir un temps d’avance sur la France.

Quand un individu sur deux prend ses dispositions outre-Atlantique, près de neuf successions sur dix se règlent sans testament dans l’Hexagone. Résultat : selon un rapport de la Cour des comptes, environ 5 milliards d’avoirs seraient en déshérence, principalement issus d’assurances-vie ou de comptes bancaires qui n’auraient pas été réclamés. Toutefois, les choses pourraient bien changer au Pays des Lumières.

Le 7 octobre 2016, l’État français promulguait la loi pour une République numérique qui, pour la première fois, prévoit un décret sur la mort numérique. Un an après, le texte organisant le répertoire des directives est toujours en cours d’élaboration. Mais d’aucuns affirment qu’un sacré pas a d’ores et déjà été franchi.

N’importe quel individu possédant un compte de messagerie ou de réseau social sur Internet dispose aussi de droits personnels. En premier lieu : le droit au respect de sa vie privée, qui comprend aussi le droit au secret des correspondances et le droit à l’image. Autant de données auxquelles, par principe, les membres de la famille ou les amis ne peuvent pas avoir accès. C’est alors que le droit à la mort numérique intervient, permettant à toute personne d’organiser, de son vivant, la manière dont elle entend conserver et communiquer ses informations personnelles après son décès.

L’article 40-1 de la loi pour une République numérique encadre les dispositions de la mort numérique. Dans son deuxième point, il précise que « toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractères personnel après son décès ».

Bien entendu, nul n’est strictement tenu de le faire. Dans le cas où l’individu concerné n’aurait pas pris ses dispositions, il reviendra à ses héritiers désignés d’exercer ses droits – ce sans quoi le patrimoine numérique du défunt (livres, musiques ou films stockés sur Internet par exemple) pourrait bien tomber dans les limbes du web mondial, aucun mécanisme de transfert automatique n’existant à ce jour.

Programmer l’après sur les réseaux sociaux

Choisir un légataire chargé de gérer nos comptes après notre mort est donc possible depuis le 7 octobre 2016. Le texte désigne cette personne comme étant « un tiers de confiance numérique » qui doit être certifié par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et dont les modalités d’accès à de notre patrimoine numérique sont fixés par décret en Conseil d’État.

Vous l’aurez compris, la mort numérique est désormais très réglementée. Des dispositions légales dont ne se sont pas vraiment embarrassés les principaux géants du Web.

Sept ans avant la loi promulguée par la France, Facebook réfléchissait déjà à ce qu’il pourrait advenir des comptes de personnes décédées. En 2009, un ingénieur du réseau social propose la première fonctionnalité de « mémorial » après avoir été confronté au décès d’un proche. Deux ans après, on apprenait que trois utilisateurs de Facebook décédaient chaque minute, résultant en des centaines de millions de comptes fantômes.

L’entreprise de Mark Zuckerberg choisit de laisser ces comptes ouverts pour continuer à bénéficier de leur trafic. Elle ajoute toutefois une option à ses paramètres, afin d’offrir à ses utilisateurs la possibilité de déclarer le décès d’un proche et de demander la transformation dudit profil en « compte de commémoration ». Ainsi les amis du défunt pourront continuer à consulter les contenus partagés, et à lui rendre hommage en publiant sur son journal.

En revanche, plus personne ne pourra modifier ses informations, à moins que la personne décédée n’ait désigné un légataire de son vivant. Pour ce faire, rien de plus simple : ~~ il suffit de se rendre dans les paramètres de son compte, d’accéder à la rubrique sécurité et de désigner un contact légataire parmi ses amis Facebook.~~ Ce dernier aura alors la possibilité changer la photo de profil ou de couverture du compte, de répondre aux demandes d’ajout d’amis, etc.

Twitter et Google se sont également penchés sur l’avenir post-mortem des comptes de leurs utilisateurs. Le premier traite à ce jour les demandes au cas par cas, depuis son centre d’assistance.

Google, quant à lui, parle de « comptes inactifs », pour lesquels l’utilisateur doit indiquer le délai au-delà duquel l’entreprise doit acter l’inactivité du compte. Comme pour Facebook, il est possible de désigner des personnes de confiance qui disposeront d’un droit de gestion sur le compte, mais également de préciser le contenu auquel ces dernières auront accès ou non (email, agenda, photos, cloud…).

Les grosses firmes du Web ne sont pas les seules à avoir anticipé les décrets législatifs des États. En France, il existe des services qui, avant 2016, proposaient déjà de gérer la mort virtuelle des individus. Le plus connu ? Testamento, un site qui propose depuis 2013 de se créer un testament en ligne et en toute légalité. Deux ans après, l’entreprise annonçait la proposition d’un service d’inventaire, afin de lister ses biens numériques à transmettre dans le cadre d’une succession.

En attendant la fin de l’élaboration du décret sur la mort numérique du gouvernement, il est donc largement possible d’assurer sa postérité sur Internet. Et nul besoin d’être comme Andrew pour bien s’y prendre.

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