Municipales et e-citoyens : je clique donc je suis ?
À l’orée des Municipales de mars prochain, de plus en plus de listes ont placé des projets de participation citoyenne en ligne au coeur de leur programme politique. Mais pour quoi faire ?
Depuis 8 ans, Marion laisse passer les élections comme un mauvais rhume. La dernière fois, qu’elle a glissé un bulletin dans une urne c’était en 2012, au second tour de la Présidentielle. Puis, comme beaucoup, cette jeune designeuse de 32 ans en a eu marre de la politique. « J’ai l’impression que tout est devenu faux, anxiogène et futile », plaque-t-elle.
Et pourtant, il y a deux semaines, Marion a voté. C’était un dimanche, comme le veut l’usage. En revanche, la trentenaire parisienne ne s’est pas traditionnellement déplacée dans son école primaire. Elle a utilisé Internet, chez elle. Bien au chaud.
Mairie pop-in
En vérité, notre citoyenne n’a pas réellement participé à une élection. En se connectant au site du Budget participatif de la mairie de Paris, elle a simplement apporté sa voix à un projet d’éco-quartier dans son arrondissement, le 20ème.
Depuis que son frère l’a exhorté à user de son pouvoir citoyen sur Internet, Marion s’est peu à peu réconciliée avec la chose publique. « Je peux suivre le déroulé de la prise de décision jusqu’à sa décision finale. Bon, le projet qui m’a emballé n’a pas été retenu mais c’est comme ça ! », explique la jeune femme.
Sur le site, il y a la possibilité de choisir son combat parmi une douzaine de thématiques qui vont de l’éducation à l’environnement en passant par les transports et la propreté. Mais aussi, de consulter ceux qui ont été réalisés ainsi que des articles qui relatent le développement de chaque initiative.
C’est en 2015 que la mairie de Paris se trouve en mesure de permettre aux Parisiennes et Parisiens, sans condition d’âge ni de nationalité, de voter chaque année sur des projets proposés par les habitants eux-mêmes.
Relayée massivement sur les réseaux sociaux - notamment sur Twitter - la démarche est rapidement encensée comme un exemple de démocratie participative citoyenne en ligne. L’accroche ? Le Budget Participatif propose aux administrés de décider de l’utilisation de 5 % du budget d’investissement entre 2014 et 2020 (ce qui représente environ 500 millions d’euros).
Au fur et à mesure du mandat d’Anne Hidalgo - maire de Paris actuellement en campagne - la démarche ne s’essouffle pas. Bien au contraire. Un rapport publié en début d’année souligne qu’en 2019, plus de 143 000 citoyens ont voté. Une augmentation de 12 % par rapport à l’année précédente qui aurait permis la réalisation de 194 projets locaux.
L’administration de la capitale française ne compte pas s’arrêter là. En pleine campagne pour les Municipales dont le premier tour aura lieu le 15 mars prochain, Anne Hidalgo a présenté un programme ambitieux concernant la participation citoyenne en ligne.
Avec une promesse fracassante : porter la part du budget participatif d’investissement de 5 % à 25 %. Faisant ainsi de Paris la première capitale au monde à allouer autant d’argent à la prise de décision participative. « C’est un signe de plus que la ville de Paris est en avance en termes de civic-tech », précise un membre de la campagne d’Anne d’Hidalgo, contacté par téléphone.
« Changer le monde »
Pour mener à bien les opérations, l’équipe de campagne a fait appel à Cap Collectif, un portail déjà présent derrière la création du site du Grand Débat, qui avait rassemblé plus de 2 millions d’utilisateurs.
Si la ville de Paris et son landerneau de start-ups ès civic-tech semblent à la pointe de la démocratie participative numérique, qu’en est-il des autres villes en France à l’heure d’un scrutin majeur à l’échelon locale ? Une enquête relativement récente menée par la Caisse des dépôts permet d’apporter des éléments de réponse.
Selon l’institution, en 2018, 157 collectivités utilisaient des outils digitaux de participation citoyenne. Parmi elles, 9 régions, 14 départements, 18 métropoles ou encore 76 villes entre 5 000 et 100 000 habitants. D’après le même recensement, 67 villes auraient mis en place en 2017 un budget participatif.
De son côté, Cap Collectif rappelle sur son site certains grands moments de participation citoyenne numérique. Pêle-mêle : le lancement de la Fabrique Citoyenne par la ville de Rennes en novembre 2015, pour faire participer les habitants au budget participatif de la métropole ou encore une consultation citoyenne lancée par la nouvelle grande région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées au printemps 2016, qui a rassemblé plus de 160 000 participants pour aider les élus à trancher un nouveau nom : Occitanie.
L’ambition de « Capco » est aussi ambitieux qu’un programme présidentiel : « Changer le monde (…) en proposant une plateforme d’intelligence collective et une méthodologie de co-construction de la décision ». Il va bien falloir que Marion s’y fasse : même jeune retraitée de la vie publique, elle pourra toujours contribuer à dessiner le futur de la société. Tant mieux ?
Partager sur :