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Reprendre le pouvoir face aux GAFAM : les propositions du Conseil d'État

17.10.2022

Face au pouvoir grandissant des géants du web, l’Europe s’est dotée d’un nouveau cadre réglementaire pour mieux les contrôler. Dans son sillage, le Conseil d’Etat appelle aujourd’hui à rééquilibrer les forces en faveur des utilisateurs des réseaux sociaux avec 17 propositions. Retour sur l’étude annuelle de cette institution suprême.

“Les réseaux sociaux, comme la plupart des grandes innovations technologiques, sont porteurs du meilleur, qu’il faut promouvoir, comme du pire, contre lequel il faut se prémunir.” C’est par ces mots, traduisant toute l’ambivalence de l’impact des réseaux sociaux sur nos sociétés, que le Conseil d’État introduit l’article consacré à sa dernière étude annuelle.

Après un état des lieux des enjeux que soulèvent les réseaux sociaux pour nos sociétés, cette étude formule 17 recommandations déclinées sur une centaine de pages, et regroupées en 3 grands objectifs : rééquilibrer les forces en faveur des utilisateurs et des citoyens, armer la puissance publique dans son rôle de régulateur et penser les réseaux sociaux de demain.

Redonner le pouvoir aux utilisateurs

Est-il encore possible de limiter la force des géants numériques, dont certains ont acquis - voire dépassé - la puissance économique d’État ? L’une des parfaites illustrations de ce rapport de force déséquilibré réside dans la gestion des conditions générales d’utilisation (CGU), que les utilisateurs ne peuvent généralement qu’accepter, sans possibilité de les négocier.

De plus, l’accord de mars dernier visant à redéfinir les règles applicables au transfert des données personnelles entre l’Europe et les Etats-Unis ne s’est pas concrétisé. Face aux Gafam, des entreprises essentiellement américaines, l’essor d’une souveraineté numérique européenne suffisamment puissante pour s’imposer peine encore à porter ses fruits sur notre Vieux Continent.

Ainsi, le Conseil d’Etat souligne l’impératif de redonner le contrôle aux utilisateurs, en identifiant trois niveaux d’intervention principaux pour rééquilibrer le rapport de force en faveur d’une meilleure la négociation des CGU :

  • créer une instance de concertation à l’échelle de la Commission européenne
  • identifier et créer un réseau d’associations capables de négocier avec les acteurs du numérique
  • allouer aux utilisateurs un droit à participer à la négociation

L’urgence de mieux protéger utilisateurs et victimes

Ces dernières années, les affaires impliquant les réseaux sociaux se sont multipliées, plaçant les utilisateurs en position de faiblesse. C’est notamment le cas du cyberharcèlement. Malgré la répression désormais applicable pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, les pratiques se poursuivent, faisant chaque année leur lot de victimes.

Experts et acteurs du numérique alertent aussi régulièrement sur les risques pour la santé mentale d’une surexposition aux écrans et aux réseaux sociaux, notamment chez les plus jeunes.

Enfin, nos démocraties voient aujourd’hui leurs opinions publiques soumises aux tentatives de manipulation et à la diffusion croissante de fake news, suspectées d’altérer nos scrutins électoraux.

Dans ce contexte, quelles sont les recommandations du Conseil d’Etat ? Face aux risques liés à l’utilisation de plateformes devenues incontournables, l’institution propose de réagir avec ambition pour mieux protéger les utilisateurs et notamment, les plus fragiles d’entre eux.

L’étude suggère notamment de revoir les paramètres et fonctionnalités de ces plateformes afin de permettre aux utilisateurs de mieux maîtriser leur pratiques, en particulier s’agissant de ses contenus recommandés, bloqués ou notifiés, ou bien encore afin de leur permettre de connaître leurs droits.

De plus, le Conseil d’État insiste sur l’importance de mieux informer les utilisateurs sur les interlocuteurs qu’ils peuvent solliciter s’ils s’estiment victimes de pratiques illégales, de comportements malveillants ou de non-respect de leurs droits par les plateformes.

Enfin, l’étude suggère de généraliser le recours aux solutions d’identité numérique et aux tiers de confiance afin de renforcer un écosystème plus protecteur face aux menaces et problèmes posés par des outils mal développés et/ou mal utilisés.

Enjeux des réseaux sociaux de demain

Le Conseil d’État aborde également des questions prospectives quant à l’avenir des plateformes, considérant qu’il faut dès maintenant engager la réflexion pour aboutir à un environnement numérique le plus vertueux possible. De nombreux enjeux sont ainsi visés, allant de la sobriété numérique à la publicité ciblée en passant par la régulation des messageries privées ou bien encore la mort numérique.

Dans tous les cas, espérons que l’ensemble de ces recommandations permettra d’accompagner un mouvement global visant à replacer l’utilisateur et ses intérêts au cœur de notre écosystème numérique, avec, en ligne de mire, l’espoir d’un internet véritablement au service des hommes, et du progrès.

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Les GAFA et leurs algorithmes : faut-il s’en méfier ?

Les algorithmes des géants du web, nourris aux données personnelles, influencent la vie quotidienne de milliards d’utilisateurs. La méfiance et l’incompréhension du système interrogent sur la manipulation possible des usagers par ces algorithmes.

Est-ce que le manque d’éducation autour des données crée de la méfiance ?

Probablement, les data sont représentées comme complexes et inaccessibles aux non-professionnels. C’est dans ce contexte précis que la formation et l’éducation autour des données sont des outils qui permettent de démystifier ce sujet.

Ces outils peuvent être utilisés pour développer des connaissances dans le domaine des données, des algorithmes et ainsi réduire la méfiance existante autour de ces enjeux. L’inconnu et l’ignorance aboutissent à la méfiance, c’est ici que l’éducation et le savoir ont une place centrale. C’est en donnant de la visibilité aux enjeux présents autour des données qu’il sera possible de faire disparaître la méfiance.

Comment pourrait-on permettre plus de transparence de la part des GAFA vis à vis des usagers ?

Les GAFA ont un avantage considérable dans le domaine des data, et donc peu d’intérêt à modifier leur fonctionnement actuel. Prenons l’exemple de Google, son moteur de recherche représente environ 90 % des parts de marché de l’indexation en France.

Les techniques d’indexation existent depuis qu’il a été nécessaire de caractériser des informations pour pouvoir les retrouver dans des masses de documents. Actuellement, Google est donc essentiel pour l’utilisation d’internet et aucune autre solution ne rivalise à son niveau.

Pour sortir de ce schéma, la solution pourrait être la supranationalisation de l’index de Google. Une impulsion étatique rendrait plus lisible et transparent le système mis en place par les GAFA vis à vis des données des utilisateurs. Imaginer un index mutualisé, financé par les institutions publiques, composé d’une dizaine de moteurs de recherche différents, performants et avantageux pour les utilisateurs.

Depuis le RGPD, contrairement aux algorithmes, l’accès aux data tend à se démocratiser. Comment mettre en marche une démocratisation des algorithmes ?

Les problèmes de transparence sont liés au manque de connaissances et d’informations accessibles sur la façon dont nos data sont gérées. De ce fait, cette transparence est profondément liée à l’apprentissage, l’utilisateur doit saisir quelles variables il représente dans le système afin de le comprendre et de pouvoir ensuite jouer un rôle dans l’interprétation de ses données. Actuellement, l’usager a la possibilité d’influencer l’algorithme en masquant certaines publications sur Facebook ou Google par exemple, mais ce ne sont que des actions partielles.

La solution pour une véritable démocratisation des algorithmes existe, elle se trouve dans la data visualisation1 et la mise en place d’algorithmes graphiques.

Par exemple, YouTube pourrait proposer un curseur gradué de 0 à 100 qui permettrait à l’utilisateur de choisir ses propositions de vidéos (musique, humour, lifestyle, etc.) en fonction de ses envies ou besoins du moment. Cela permettrait à l’utilisateur d’avoir une forme de contrôle et de compréhension des algorithmes.

Suite à l’étude : “Infox : nouvelle épidémie du web”2, nous avons vu que les algorithmes favorisent le développement de certaines fake news. Qu’en pensez-vous ?

L’individualisation des résultats accroît l’effet partisan, en effet les algorithmes proposent des informations en lien avec les données de l’utilisateur : goûts, valeurs, engagements, intérêts.

L’utilisateur ne sera que très rarement confronté à des informations qui ne l’intéressent pas, ses valeurs partisanes ne sont donc aucunement confrontées à une quelconque opposition.

Malgré la connaissance de ce phénomène, aucune solution n’est mise en place pour endiguer le développement des fake news et l’individualisation des données. En conséquence, certains courants alternatifs réussissent facilement à s’emparer du débat à travers les algorithmes, en diffusant à grande échelle des fake news.

La question du numérique renvoie à des questions de démocratie, quand nous maîtrisons le numérique, nous maîtrisons la parole. Dans le futur, pourrait-on imaginer juger des algorithmes responsables de la désinformation ?

La question du numérique est une question citoyenne. Nous devons repenser l’accès à l’information en matière de politique. Depuis trois ou quatre ans, la désinformation disponible sur internet a eu des conséquences politiques indéniables mais anticipables.

Par conséquent, il y a un enjeu de formation mais qui n’est pas suffisant, un régime de sanctions devrait être mis en place lors de phénomènes de désinformation massivement orchestrés.


1 La visualisation des données est un ensemble de méthodes de représentation graphique, en deux ou trois dimensions, utilisant ou non de la couleur et des trames. Les moyens informatiques permettent de représenter des ensembles complexes de données, de manière plus simple, didactique et pédagogique.

2 https://www.mesdatasetmoi-observatoire.fr/article/etude-infox

3min
14.02.2020

Données personnelles et vie privée : vers un épanouissement numérique ?

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