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Hygiène numérique
Article

Sobriété : la fine ligne du numérique

27.09.2019

Vous venez de faire du vélo, de trier vos déchets et de tout laver au vinaigre blanc. Vous avez bien mérité un petit épisode de votre série préférée sur Netflix ? Si vous voulez, mais ce n’est pas comme ça que vous allez sauver la planète.

Cela ne vous aura pas échappé. Elle est partout. De votre douche le matin à vos déplacements du soir en passant par votre assiette à midi. À la rentrée, l’écologie est désormais la principale préoccupation des Français selon une enquête Ipsos Sopra-Steria pour Le Monde.

Pas un jour ne se passe sans que l’environnement ne se fasse une place dans votre quotidien. Mais si vous êtes désormais incollables sur le ménage au vinaigre blanc, le tri des déchets ou le calcul de votre empreinte carbone, êtes-vous bien au fait de l’impact du numérique sur l’environnement ?

Gros comme un avion

Voilà désormais quelques années que la pollution numérique télescope la conscience collective associée aux enjeux climatiques. Qui ne sait pas aujourd’hui qu’un email pollue ? Si la notion est progressivement intégrée dans nos pratiques quotidiennes, ils sont beaucoup - militants, ONG, think-tank - à marteler que les menaces du numérique sur la planète nous dépassent.

À l’échelle du globe, si l’informatique était un pays, il se classerait au troisième rang des pays énergivores juste derrière la Chine et les États-Unis. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre a augmenté de moitié depuis 2013, passant de 2,5 % à 3,7 % du total des émissions mondiales. Dans peu de temps, elle représentera autant que celle du trafic aérien. Mais au-delà des usages, c’est la fabrication que requiert nos vies connectées qui devient gigantesque. En 2020, nous devrions être entourés de plus de 50 milliards d’appareils connectés.

Sachant que la production d’un smartphone de 100 grammes requiert 70 kilos de matériaux, tandis qu’un ordinateur nécessite 240 kilos de combustibles fossiles, 22 kilos de produits chimiques et une tonne et demie d’eau.

La liste des dépenses est infinie. Seul moyen d’endiguer le phénomène ? La sobriété numérique. Théorisée en 2008, le concept semble moins connu du grand public. D’après ses inspirateurs, il s’agit d’une transition - sobre donc - qui consiste essentiellement à acheter les équipements les moins puissants possibles, à les changer le moins souvent possible, et à réduire les usages énergivores superflus.

Selon The Shift Project - une association française qui s’est donné pour objectif la réduction de la dépendance de l’économie aux énergies fossiles - adopter cette sobriété dans notre relation au digital permettrait de ramener l’augmentation de consommation d’énergie du numérique, à 1,5%, alors qu’elle affiche actuellement une hausse de 9% par an.

Ingénieur et essayiste, le président du Shift Project, Jean-Marc Jancovici, découpe souvent l’origine de la pollution numérique totale en trois parties : 20% des émissions de gaz à effet de serres proviennent des data centers, environ 50% viennent de la fabrication des terminaux qu’on utilise, et un tiers découle de leur fonctionnement.

Faire sa part

Plusieurs millions de vues, c’est ce qu’a cumulé la vidéo de Jean-Marc Jancovici sur Konbini. Dedans ? Ce qu’il a toujours dit : notre utilisation d’Internet pollue. Mais l’accent porté sur la vidéo justement - qui représente 80% de la bande passante d’Internet - a interpellé les utilisateurs des réseaux sociaux. Vous aurez beau vous déplacer à vélo et faire de la permaculture, vous polluerez toujours plus si vous regardez un documentaire sur Netflix.

De leur propre aveu, le Shift Project n’a pas vocation à démanteler le marché de la SVOD. L’association prône simplement la bonne conscience de nos usages informatiques dans un souci de rationalisation. Avec d’autres organisations, comme la FING, WWF ou Green IT, elle propose d’abord d’agir à titre personnel, de « faire sa part » comme dirait Pierre Rabhi, théoricien de la sobriété heureuse, dans un mouvement collectif qui naîtra de la somme des individualités sensibilisées.

Quelques astuces concrètes et faciles à mettre en œuvre sont proposées ici et là. Elles vont de l’achat d’occasion à la décision responsable d’éteindre sa box pendant la nuit en passant par le choix salutaire d’éviter de mettre toute la boîte en copie quand il s’agit d’envoyer un email.

Cela dit, toutes les organisations qui portent le concept de sobriété numérique sont bien conscientes que l’on ne changera pas le monde uniquement avec les consommateurs. En parallèle, certaines se constituent en groupe de pression pour qu’un soutien réglementaire et normatif puisse exister. C’est notamment le cas du Shift Project qui adresse directement des rapports aux décideurs et pouvoirs publics.

L’association propose à la puissance publique de fonder une base de données publique - le Référentiel Environnemental du Numérique (REN) - pour permettre aux acteurs d’analyser leur impact environnemental. Grâce à cela, il sera possible de procéder à un bilan carbone des grands projets numériques avant de les lancer.

La pression semble produire des effets. Depuis peu, le Ministère de la transition écologique et solidaire soutient des projets qui vont dans le sens d’une certaine sobriété. Premier exemple : l’Institut Numérique Responsable (INR), créé en 2018, qui compte, parmi ses adhérents la communauté d’agglomération de La Rochelle, des associations et ONG (WWF, Agence Lucie, FING) ainsi que des entreprises (SNCF, Pôle Emploi, Le Groupe La Poste, Société Générale, Engie, Decathlon, MAIF, BNP Paribas…).

En juin, l’INR a inauguré en partenariat avec l’Agence Lucie, le label Numérique Responsable (NR) qui récompense les entreprises qui suivent un programme menant à davantage de sobriété numérique. Le dispositif entend répondre à un vrai défi puisqu’en France, l’empreinte numérique annuelle d’un salarié équivaut à 800 kg de gaz à effet de serre et de 14 000 litres d’eau, soit 29 km en voiture par jour et 6 packs d’eau minérale par jour travaillé.

Pour certains, comme le polytechinicien Hugues Ferreboeuf - également membre du Shift Project, l’État pourrait aller encore plus en arrêtant d’encourager des modèles de quasi-gratuité. Au-dessus d’un certain volume de données, l’ingénieur préconise de rendre payante la consommation de certains services particulièrement énergivores. Vous contraindre à la sobriété en vous faisant payer votre déclaration d’impôt en ligne, ne serait-ce pas un beau projet de société ?

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