Voici ce qu’on a retenu du documentaire « Derrière nos écrans de fumée » sur Netflix
Le documentaire réalisé par Jeff Orlowski nous alerte sur les dangers (déjà connus) des écrans et des réseaux sociaux. Mais peut-il vraiment contribuer à changer nos pratiques ?
Le ton se veut dramatique et alarmiste, et le procédé original, avec des bouts de fiction insérés entre les paroles d’experts et d’anciens collaborateurs des puissants de la Silicon Valley. Google, Facebook, Instagram, Twitter et les autres. Quel impact ont les médias sociaux sur nos croyances, notre bien-être, nos manières de vivre ? Est-ce que malgré les efforts de certaines plateformes comme Instagram et Snapchat pour prévenir l’utilisation dangereuse des plus jeunes, on fonce droit dans le mur ? L’ensemble nous laisse sur notre faim, avec l’impression d’avoir identifié des coupables, mais sans disposer de solutions concrètes pour les contrer. Ironique aussi de regarder ce documentaire sur une plateforme qui utilise les mêmes procédés que ceux dénoncés. Une meilleure transparence aurait été bienvenue, mais malgré tout, quelques points intéressants sont sortis du lot.
Nous sommes accros aux réseaux sociaux, mais ce n’est pas de notre faute
« Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit », répète-t-on sans cesse pour bien nous faire comprendre que nous sommes un pur produit capitaliste qui permet à des géants comme Mark Zuckerberg d’amasser une fortune. Scroller, liker, amener son téléphone partout, tout le temps, ne serait pas vraiment de notre ressort, mais la résultante d’un procédé appelé captologie, qui utilise des techniques de persuasion afin de nous maintenir en alerte. Tout serait fait pour nous pousser à nous connecter et à affiner notre profil, nos goûts, nos activités, à travers notre vie numérique. « Les réseaux sociaux ne sont pas un outil qui n’attend que d’être utilisé. Ils ont leurs propres objectifs et leurs propres moyens de les poursuivre en utilisant votre propre psychologie contre vous. », avance Tristan Harris, ancien de chez Google. Le message est clair, nous sommes manipulés et ce n’est pas près de changer.
La génération Z directement touchée dans sa santé mentale et son estime de soi
Les premiers concernés par cette utilisation addictive sont la GenZ, la génération née après 1996, avec quasiment un portable dans la main. Ces jeunes maîtrisent les selfies à la perfection, et en subissent les dommages collatéraux. Résultat : un taux de suicide important qui a augmenté de plus de 50 % entre 2007 et 2017 chez les adolescentes aux Etats-Unis, qui concorde avec l’arrivée des réseaux sociaux. Ces derniers sont accusés d’aggraver la dépression et l’isolation chez les jeunes pour qui la validation des autres est une condition sine qua non pour se sentir bien dans leur peau et valorisés. Plus qu’une affaire d’addiction, chez eux, c’est tout un aspect sur leur développement personnel en tant qu’ado qui serait ainsi perturbé.
Les réseaux sociaux ont leur rôle à jouer en politique…
Shoshana Zuboff, professeur à la Harvard Business School et à la Harvard Law School qui apparaît à maintes reprises dans le documentaire, évoque le capitalisme de surveillance qui va au-delà des marques qui traquent chaque utilisateur pour le faire consommer. Son livre, L’âge du capitalisme de surveillance, sort le 20 octobre 2020 aux éditions Zulma. On peut y lire dans le résumé, « Tous tracés, et alors ? Bienvenue dans le capitalisme de surveillance ! Les géants du web, Google, Facebook, Microsoft et consorts, ne cherchent plus seulement à capter toutes nos données, mais à orienter, modifier et conditionner tous nos comportements : notre vie sociale, nos émotions, nos pensées les plus intimes… jusqu’à notre bulletin de vote. En un mot, décider à notre place. » La victoire de Trump, les brutalités policières à Hong-Kong, le mouvement des gilets jaunes en France, mais aussi le poids de la Russie sur internet, la circulation des conspirations et des fakes news… Autant de faits de société directement connectés aux réseaux sociaux qui ont bouleversé l’actualité mondiale, et mis en lumière le poids de certains algorithmes dans certaines décisions politiques.
… Et dans la propagation des fakes news
« 64% des personnes qui ont rejoint des groupes extrémistes sur Facebook l’ont fait parce que les algorithmes les y ont guidés. », apprend-on dans le documentaire. Les GAFAM ont leur part de responsabilité quand il s’agit de la circulation des fake news. Celles-ci se propagent à une vitesse rare sur les réseaux sociaux, parfois visibles par des millions de personnes, sans aucune source. On a pu le voir récemment avec la pandémie qui secoue la planète depuis quelques mois. Les vidéos sur « une fausse maladie », « une invention du gouvernement américain » ou encore les remèdes miracles véhiculés par des faux praticiens sur YouTube pullulent. Ces rumeurs et fausses croyances ont un impact d’autant plus grave quand elles touchent à la santé.
Plus alarmant qu’éducatif, « The Social Dilemma » (titre dans sa version originale), résume bien les dangers que les réseaux sociaux font encourir à leurs utilisateurs. La data nous contrôle, les algorithmes nous traquent, le problème est systémique. Et tant que ce système sera lucratif, rien ne changera. Un des bénéfices de leur utilisation est à regarder du côté des mouvements sociaux profitant à des minorités. FreeUyghurs, Black Lives Matter ou Me Too n’auraient sans doute pas provoqué un tel séisme planétaire sans la contribution des Twitter, Instagram, YouTube et consorts. Une manière d’y voir un peu de positif.
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