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Jennifer Padjemi

Journaliste indépendante pour diverses publications, avec une passion pour la (pop) culture, et les phénomènes émergents qui définissent notre société.

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    Instagram VS TikTok : le combat générationnel

    Pendant que l’un est aux prises politiques entre les Etats-Unis et la Chine, l’autre - sous l’égide de Facebook - tente de se renouveler en attirant une audience plus jeune et créative. Qui va tirer son épingle du jeu ? On vous dit tout.

    En 2016, un nom commence à être sur toutes les lèvres, et surtout sur celle des plus jeunes : l’application TikTok. Propriété du chinois ByteDance, à qui appartient également musica.ly, une autre application qui proposait de créer des vidéos courtes avec du playback. Le principe de TikTok est le même : faire des vidéos accompagnées de musique, de textes audios et la possibilité de réaliser des montages simples aux effets professionnels. Les variantes et la créativité sont décuplées, ce qui en fait un atout vraiment attractif pour une génération jeune, née avec un portable en main, et donc à l’aise avec la création depuis un smartphone. C’est probablement pour cela que Instagram a décidé de concurrencer le géant chinois sur le terrain de la vidéo en lançant la fonctionnalité Reels en juin 2020.

    Round 1 : vidéos only contre diversification des contenus ?

    La force d’Instagram se trouve dans la concentration de ses outils sur une même application, avec photos, vidéos et filtres au même endroit, ce qui pousse les utilisateurs à suivre des personnes dont ils aiment le contenu global, alors que sur TikTok, on pousse davantage les gens à consommer des vidéos uniques, à coup de partages et grâce à des utilisateurs qui ne postent pas de contenus sur la plateforme.

    TikTok a notamment explosé grâce à la force des challenges de danse qui sont repris sur tous les réseaux sociaux, jusqu’à devenir des chorégraphies associées à des tubes. L’application a su attirer un nombre de personnes s’intéressant à des sujets aussi larges que la beauté, la cuisine, la politique ou la mode. De nombreuses tendances et phénomènes émergents y naissent, ce qui fait du réseau social une plateforme intéressante pour flairer ce qui se fera demain.

    Là où TikTok fuse d’effets en tout genre, avec un catalogue de chansons et répliques de films ou séries quasiment en illimité, sur Instagram, le catalogue de Reels est encore un peu restreint et les effets pas encore tout à fait au point. D’un point de vue plus technique, TikTok permet des vidéos de 15 à 60 secondes, quand les Reels s’arrêtent à 15 secondes seulement, pour le moment.

    Round 2 : anonymes contre influenceurs ?

    Très rapidement, TikTok s’est diversifié en donnant la possibilité à n’importe quelle personne d’aisément manier l’outil pour créer toutes sortes de contenus, attirant naturellement un public jeune, mais aussi plus élargi de femmes, d’hommes et de moins jeunes.

    Il est encore trop tôt pour comparer les vidéos TikTok avec les Reels, mais Instagram a tout misé sur les influenceurs du réseau social, c’est à dire des profils vérifiés avec un badge bleu, ou personnes ayant plusieurs milliers d’abonnés. L’idée est bonne pour populariser la fonctionnalité au plus grand nombre, mais elle manque d’originalité. TikTok s’est justement fait un nom grâce à des anonymes dont l’audience a explosé sur le réseau social à force d’inventivité et de créations originales, les stars et influenceurs n’étaient pas les pionniers de la plateforme, et c’est ce qui a précisément suscité son intérêt.

    Les Reels étant principalement utilisés par des influenceurs ou célébrités, les contenus restent plus classiques, et tournent beaucoup autour de la mode ou du lifestyle. L’imagerie des Reels ressemble beaucoup à celle d’Instagram où tout est plus lisse et bien présenté, ce qui apparaît comme moins naturel et spontané que ça l’est sur TikTok. Quelques vidéos humoristiques sont présentes sur Instagram mais les 15 secondes ne permettent pas vraiment des créations très abouties.

    Round 3 : Vieux contre jeunes ?

    C’est bien sûr plus complexe que ça, mais clairement TikTok attire énormément de jeunes entre 13 et 24 ans et majoritairement des femmes, ce qui est une aubaine pour les marques et les influenceurs de plus en plus présents sur la plateforme. Les adultes s’y mettent, mais leur contenu est moins novateur, plus téléphoné, en démontre quand Le Monde a décidé de lancer son compte, recevant des centaines de messages étonnés et moqueurs, avant de finalement trouver un rythme et des contenus cohérents avec le réseau social.

    Les personnes plus âgées sont sur Instagram parce que c’est avant tout plus simple d’évoluer sur un réseau social déjà connu. L’idée des Reels a été lancée non seulement pour conserver l’audience originelle d’Instagram qui fête ses 10 ans cette année, mais aussi pour attirer une communauté jeune, déjà présente sur TikTok. « Notre volonté, c’est de montrer à nos utilisateurs qu’on peut tout faire sur Instagram, pour proposer ses contenus et engager sa communauté. », expliquait Guillaume Thévenin, responsable des partenariats avec les créateurs de contenu chez Instagram pour l’Europe du sud à France Inter. Une application tout terrain donc, censée plaire aux utilisateurs de tout âge, mais est-ce que la variété et la multiplication des réseaux sociaux qui proposent des choses uniques n’est pas précisément ce qui plaît aux 15-25 ans ? L’avenir nous le dira.

    En attendant, comme à son lancement des Stories, inspirées de Snapchat, Instagram démarre difficilement avec cette nouvelle fonctionnalité, avant que l’habitude prenne sans doute le dessus et qu’elle fasse partie intégrante de l’application.

    23.10.2020
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    Voici ce qu’on a retenu du documentaire « Derrière nos écrans de fumée » sur Netflix

    Le documentaire réalisé par Jeff Orlowski nous alerte sur les dangers (déjà connus) des écrans et des réseaux sociaux. Mais peut-il vraiment contribuer à changer nos pratiques ?

    Le ton se veut dramatique et alarmiste, et le procédé original, avec des bouts de fiction insérés entre les paroles d’experts et d’anciens collaborateurs des puissants de la Silicon Valley. Google, Facebook, Instagram, Twitter et les autres. Quel impact ont les médias sociaux sur nos croyances, notre bien-être, nos manières de vivre ? Est-ce que malgré les efforts de certaines plateformes comme Instagram et Snapchat pour prévenir l’utilisation dangereuse des plus jeunes, on fonce droit dans le mur ? L’ensemble nous laisse sur notre faim, avec l’impression d’avoir identifié des coupables, mais sans disposer de solutions concrètes pour les contrer. Ironique aussi de regarder ce documentaire sur une plateforme qui utilise les mêmes procédés que ceux dénoncés. Une meilleure transparence aurait été bienvenue, mais malgré tout, quelques points intéressants sont sortis du lot.

    Nous sommes accros aux réseaux sociaux, mais ce n’est pas de notre faute

    « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit », répète-t-on sans cesse pour bien nous faire comprendre que nous sommes un pur produit capitaliste qui permet à des géants comme Mark Zuckerberg d’amasser une fortune. Scroller, liker, amener son téléphone partout, tout le temps, ne serait pas vraiment de notre ressort, mais la résultante d’un procédé appelé captologie, qui utilise des techniques de persuasion afin de nous maintenir en alerte. Tout serait fait pour nous pousser à nous connecter et à affiner notre profil, nos goûts, nos activités, à travers notre vie numérique. « Les réseaux sociaux ne sont pas un outil qui n’attend que d’être utilisé. Ils ont leurs propres objectifs et leurs propres moyens de les poursuivre en utilisant votre propre psychologie contre vous. », avance Tristan Harris, ancien de chez Google. Le message est clair, nous sommes manipulés et ce n’est pas près de changer.

    La génération Z directement touchée dans sa santé mentale et son estime de soi

    Les premiers concernés par cette utilisation addictive sont la GenZ, la génération née après 1996, avec quasiment un portable dans la main. Ces jeunes maîtrisent les selfies à la perfection, et en subissent les dommages collatéraux. Résultat : un taux de suicide important qui a augmenté de plus de 50 % entre 2007 et 2017 chez les adolescentes aux Etats-Unis, qui concorde avec l’arrivée des réseaux sociaux. Ces derniers sont accusés d’aggraver la dépression et l’isolation chez les jeunes pour qui la validation des autres est une condition sine qua non pour se sentir bien dans leur peau et valorisés. Plus qu’une affaire d’addiction, chez eux, c’est tout un aspect sur leur développement personnel en tant qu’ado qui serait ainsi perturbé.

    Les réseaux sociaux ont leur rôle à jouer en politique…

    Shoshana Zuboff, professeur à la Harvard Business School et à la Harvard Law School qui apparaît à maintes reprises dans le documentaire, évoque le capitalisme de surveillance qui va au-delà des marques qui traquent chaque utilisateur pour le faire consommer. Son livre, L’âge du capitalisme de surveillance, sort le 20 octobre 2020 aux éditions Zulma. On peut y lire dans le résumé, « Tous tracés, et alors ? Bienvenue dans le capitalisme de surveillance ! Les géants du web, Google, Facebook, Microsoft et consorts, ne cherchent plus seulement à capter toutes nos données, mais à orienter, modifier et conditionner tous nos comportements : notre vie sociale, nos émotions, nos pensées les plus intimes… jusqu’à notre bulletin de vote. En un mot, décider à notre place. » La victoire de Trump, les brutalités policières à Hong-Kong, le mouvement des gilets jaunes en France, mais aussi le poids de la Russie sur internet, la circulation des conspirations et des fakes news… Autant de faits de société directement connectés aux réseaux sociaux qui ont bouleversé l’actualité mondiale, et mis en lumière le poids de certains algorithmes dans certaines décisions politiques.

    … Et dans la propagation des fakes news

    « 64% des personnes qui ont rejoint des groupes extrémistes sur Facebook l’ont fait parce que les algorithmes les y ont guidés. », apprend-on dans le documentaire. Les GAFAM ont leur part de responsabilité quand il s’agit de la circulation des fake news. Celles-ci se propagent à une vitesse rare sur les réseaux sociaux, parfois visibles par des millions de personnes, sans aucune source. On a pu le voir récemment avec la pandémie qui secoue la planète depuis quelques mois. Les vidéos sur « une fausse maladie », « une invention du gouvernement américain » ou encore les remèdes miracles véhiculés par des faux praticiens sur YouTube pullulent. Ces rumeurs et fausses croyances ont un impact d’autant plus grave quand elles touchent à la santé.

    Plus alarmant qu’éducatif, « The Social Dilemma » (titre dans sa version originale), résume bien les dangers que les réseaux sociaux font encourir à leurs utilisateurs. La data nous contrôle, les algorithmes nous traquent, le problème est systémique. Et tant que ce système sera lucratif, rien ne changera. Un des bénéfices de leur utilisation est à regarder du côté des mouvements sociaux profitant à des minorités. FreeUyghurs, Black Lives Matter ou Me Too n’auraient sans doute pas provoqué un tel séisme planétaire sans la contribution des Twitter, Instagram, YouTube et consorts. Une manière d’y voir un peu de positif.

    02.10.2020