This website requires JavaScript.

Numérique Éthique vous est utile (ou pas) ? Dites-nous tout en 5 minutes ici

Acculturation
Risques numériques
Article

L'IA va-t-elle remplacer les musiciens ?

5min
18.06.2025

Si vous êtes un grand amateur de la Fête de la musique (et on vous comprend !), cette journée emblématique est aussi l’occasion parfaite de réfléchir aux évolutions qui traversent actuellement l’univers musical.

En 2025, une nouvelle réalité s’impose : 18% des nouvelles musiques mises en ligne chaque jour sur les plateformes de streaming sont générées par des outils d’intelligence artificielle, soit près de 20 000 titres quotidiens. Une transformation radicale qui bouleverse les codes traditionnels de la création musicale…

Une révolution créative à portée de clic

Des plateformes comme Suno AI, Udio ou AIVA ont démocratisé la création musicale en permettant à n’importe qui de composer un morceau complet (mélodie, paroles et voix) en quelques secondes seulement.

Le processus est très simple : il suffit de décrire son envie musicale dans une barre de recherche. Si vous écrivez par exemple “une chanson rock mélancolique”, ou “un morceau romantique et dansant”, l’algorithme génèrera instantanément un nouveau single. L’ampleur du phénomène est vertigineuse, puisque Udio produirait déjà 10 chansons par seconde, soit plus de 860 000 compositions quotidiennes !

Le casse-tête juridique du droit d’auteur

Cette nouvelle création musicale soulève une question juridique fondamentale, qui divise les juristes, les créateurs et les utilisateurs. En France, seules les œuvres de l’esprit humain peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur. Que se passe-t-il donc lorsqu’une machine compose de manière autonome ?

Sans auteur humain, ces créations ne disposent d’aucun statut légal défini, les plaçant dans une zone grise particulièrement risquée pour leurs utilisateurs.

Exploiter commercialement une œuvre créée par IA expose également à plusieurs dangers :

  • Le plagiat involontaire : les algorithmes d’IA s’entraînent sur des millions d’œuvres existantes, créant un risque permanent de reproduction d’extraits protégés. L’utilisateur peut se retrouver accusé de contrefaçon sans même s’en apercevoir.

  • Le risque de contrefaçon : lorsque l’IA reproduit des styles ou des éléments harmoniques caractéristiques d’artistes connus.

En plus de ces risques juridiques, l’utilisation de l’IA dans le secteur musical peut aussi amener à des dérives négatives comme l’homogénéisation des créations et la perte d’authenticité et pose des questions sur l’intervention humaine.

Quand l’IA imite les stars

L’affaire “Ghostwriter977” illustre parfaitement les dérives possibles de cette technologie. En avril 2023, un utilisateur anonyme a bouleversé l’industrie musicale en postant sur TikTok un clip musical intitulé “Heart On My Sleeve”, où l’on reconnaissait les voix de Drake et The Weeknd. Le souci ? Ce titre, généré entièrement par l’IA, a rapidement enflammé les plateformes de streaming, cumulant plus de 10 millions d’écoutes en seulement quelques jours. Sa popularité s’est brutalement interrompue lorsque Universal Music Group a exigé sa suppression pour violation du droit d’auteur, déclenchant un débat mondial sur les limites de la création assistée par IA.

L’esthétique visuelle n’échappe pas non plus à cette révolution artificielle. Le duo français Bigflo et Oli a récemment marqué les esprits en produisant entièrement par IA le clip de leur morceau « Ça va beaucoup trop vite ». Une prouesse technique et une génération de près de 50 000 images, qui aurait nécessité des mois de travail et un budget conséquent il y a encore quelques années.

Vers un cadre réglementaire adapté

Le droit d’auteur : un concept mis en avant

Face à l’augmentation de l’usage de l’IA dans le secteur musical, les acteurs de l’industrie ont multiplié les initiatives pour encadrer ces nouvelles technologies.

Au cœur des débats, la protection des droits d’auteur. Dès octobre 2023, la SACEM a marqué un tournant en exerçant son droit d’opposition à la fouille de ses données par des entités développant des outils d’intelligence artificielle. L’objectif ? Éviter que les IA ne s’entraînent sur des données parmi lesquelles pourraient se trouver des œuvres protégées.

L’industrie du streaming musical n’est pas non plus restée passive face à ces enjeux. Deezer, pionnier en la matière, a déployé en janvier 2025 des technologies spécialisées pour détecter et exclure automatiquement les contenus générés par IA de ses algorithmes de recommandation. Une exclusion qui permet de préserver l’authenticité de l’expérience proposée aux utilisateurs, tout en protégeant les artistes d’une concurrence algorithmique déloyale.

Un cadre juridique renforcé

En parallèle de ces avancées, la loi continue d’évoluer. Entré en vigueur en août 2024, le règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act) a marqué une étape décisive dans la régulation de ces technologies, en imposant désormais aux développeurs d’IA de documenter rigoureusement les données utilisées pour l’entraînement de leurs algorithmes.

Sur le plan législatif, la France a également renforcé son arsenal juridique. Le projet de loi SREN (Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique) sanctionne désormais de deux ans d’emprisonnement la diffusion de contenus audio imitant la voix d’une personne sans son autorisation expresse. Cette disposition vise particulièrement à lutter contre les deepfakes vocaux et à protéger le droit des artistes et personnalités publiques.

En pratique : comment s'y retrouver ?

Les outils d’IA musicaux sont passionnants et peuvent aider à booster notre création. Mais comme tout outil d’IA, ils sont à utiliser avec précaution !

  • Vérifiez les conditions d’utilisation des outils IA.

  • Privilégiez les plateformes proposant des musiques libres de droits.

  • Gardez une trace de vos créations pour prouver votre intervention humaine.

  • Restez vigilants face aux risques de plagiat involontaire si vous partagez publiquement vos créations.

Non, l’IA ne va pas remplacer les musiciens et leur sensibilité unique, mais une chose est certaine : l’IA est là pour rester et il faudra nécessairement définir ensemble les règles de cette nouvelle partition !

Parentalité numérique
Article

L’éveil culturel et artistique passe aussi par le numérique

On a souvent tendance à opposer le numérique et la culture. Pourtant, la digitalisation des contenus culturels et les technologies numériques permettent de développer de nouvelles pratiques et de toucher de nouveaux publics à condition de les accompagner !

Depuis le confinement du printemps 2020, les contenus culturels semblent avoir envahi le web. Expositions, théâtre, concerts, musées, les recommandations sont infinies et circulent à toute vitesse dans les médias et sur les réseaux sociaux. Mais, si la crise sanitaire a accéléré leur diffusion, il existe pourtant depuis des années d’importantes ressources culturelles en ligne, souvent méconnues du grand public. En effet, la culture et le numérique n’ont de cesse d’être mis en opposition. Bien souvent, dans l’opinion publique, une pratique culturelle, quelle qu’elle soit, ne peut se faire de manière virtuelle, notamment parce que le numérique se résume souvent aux écrans. Citée dans un article de The Conversation, la psychologue Sophie Marinopoulos insiste pour ne pas mettre les écrans et la culture dos-à-dos. Les outils numériques font désormais partie de l’environnement dans lequel les enfants grandissent. Chercher à les bannir de leur vie serait contre-productif, d’autant qu’ils peuvent participer au développement, notamment culturel, des plus jeunes. Ce qui est reproché aux écrans - et donc au numérique par extension - c’est la passivité des enfants, le manque d’interaction et de manipulation pour les plus petits. Les adultes, et notamment les parents, sont régulièrement suspectés de coller leurs enfants devant les écrans, les laissant seuls, captivés et le cerveau en pause. Comment peuvent-ils s’éveiller culturellement et artistiquement ? Mais si vous leur mettez un livre entre les mains, dans une famille qui ne lit pas ou n’en a pas la culture, l’effet sera le même, explique encore Sophie Marinopoulos dans une interview pour Télérama. L’exemple se décline à l’infini, pour une visite de musée, une pièce de théâtre, une exposition…

Des ressources culturelles ludiques, interactives et virtuelles

Tout est question de lien et de transmission, peu importe les supports. Il existe, aujourd’hui, de très nombreux éditeurs de contenus numériques qui travaillent dans ce sens. Ils réfléchissent à de nouvelles interfaces, de nouveaux objets pour faire du numérique un support de l’éveil culturel et artistique. Marion Voillot, designer, doctorante au CRI, en évoque plusieurs dans un article de The Conversation et encore plus dans le MOOC « La petite culture numérique ». Par exemple, Sonic Solveig, un éditeur numérique de musiques interactives, propose des expériences immersives et transmédias pour découvrir les plus belles voix du jazz ou encore l’opéra au travers d’une application. De son côté, la start-up OVAOM propose aux plus jeunes de manipuler des instruments de musique numériques et de stimuler leurs concentration et motricité grâce à des objets connectés. Il y a aussi la maison d’édition Volumique qui propose des jeux ou des contes sur écran, dans lesquels l’enfant interagit grâce à des pliages en papier réalisés au préalable. On peut encore évoquer l’application Wakatoon, qui permet de colorier des images qui s’animent ensuite grâce à un système de reconnaissance sur l’appareil photo de la tablette ou les causeuses électroniques qui proposent une interface conversationnelle. La liste n’est absolument pas exhaustive, mais permet déjà de se rendre compte que tous ces éditeurs misent sur un numérique interactif, sans écran, dans lequel on met les mains, offrant aux enfants différentes expériences culturelles.

Pour les plus grands, les adolescents, là aussi les possibilités sont infinies. La crise sanitaire aura eu le mérite de les faire connaître et de les regrouper. Sous le #culturecheznous, le ministère de la Culture a recensé une offre exceptionnelle de ressources, notamment pour les adolescents. Par exemple, la Cité de Sciences a créé un parcours Sur les pas de Darwin pour lequel sont proposées des manipulations interactives. Il faut par exemple déplacer les différentes espèces recensées par Darwin dans les Îles Galapagos et comprendre les interactions du milieu. Le département de l’Ille-et-Vilaine a créé un docgame dédié à la première guerre mondiale, qui s’apparente à un escape game. Le musée Granet d’Aix-en-Provence a lui créé plusieurs « jeux des erreurs » à télécharger pour découvrir différents tableaux. A l’inverse, des outils cités précédemment, ces ressources sont gratuites, accessibles n’importe quand, n’importe où.

La médiation des adultes

Internet permet aujourd’hui d’avoir librement accès à un large champ de connaissances. Que l’on évoque les dispositifs interactifs, les objets connectés ou les ressources virtuelles, tous sont liés par la même nécessité : la médiation des adultes. Jamais un enfant n’ira télécharger une application de coloriage si on ne la lui suggère pas, tout comme jamais un adolescent n’ira se plonger dans un jeu animé sur la ville de Rennes si on ne l’y invite pas. Et c’est la même chose pour aller au théâtre ou visiter un musée, le lien et les interactions sont indispensables. Comme l’évoque Olivier Masson-Halimi, chargé de mission MIDELCA et interrogé dans le MOOC « La petite culture numérique », il faut différencier l’activité des modalités d’usage : l’enfant est-il seul ? Sur une tablette en groupe ? Dans une médiathèque, à l’école, avec les parents ? Quel est l’outil, le support utilisé ? Dès lors, le numérique n’est qu’un support de l’éveil culturel et artistique. Par ses contenus, il peut amener de nouveaux publics à découvrir le théâtre, l’opéra ou les musées.

Bien sûr, ces outils et ces interfaces nécessitent des moyens financiers et culturels, et la fracture numérique est une réalité, tant dans l’accès que dans les compétences. Mais c’est justement là que l’école a un rôle à jouer. Équiper les établissements scolaires de manière suffisante ne signifie pas seulement fournir des tablettes, mais des outils qui permettent de mieux se saisir du potentiel du numérique et d’accéder à ces contenus culturels. Le défi est donc désormais d’encourager ces interactions, et les adultes, enseignants, parents, animateurs, éducateurs, à se poser

08.04.2021
Acculturation
Article

Intelligence artificielle : histoire et prospectives

Les machines vont-elles un jour nous dominer ? A quoi ressemblera notre monde bardé de connexions, d’algorithmes et de données infinies dans 30 ans ? Le point sur ces sujets avec Dominique Cardon.

En juin dernier, MAIF recevait M. Dominique Cardon, Professeur de sociologie et directeur du Medialab à Sciences Po Paris. Durant cette conférence, à retrouver en version complète sur YouTube, il nous partage sa vision de l’impact de l’intelligence artificielle dans notre quotidien.

Après une introduction sur l’histoire d’une science encore peu comprise du grand public, l’auteur de Culture Numérique - son ouvrage paru en 2019 - nous ouvre les yeux sur la nécessité de l’IA, si tant est qu’elle soit éthique et responsable.

Un sujet passionnant qui nous plonge dans le monde de la donnée, du calcul et de la prédiction.

Qu’appelle-t-on Intelligence Artificielle ?

L’IA est une technique particulière de Machine Learning, s’appuyant sur des réseaux de neurones, le Deep Learning.
Ces différents termes peuvent paraître complexes, voire ne rien vous évoquer, et à juste titre : ce sont des sciences informatiques nées à la suite de décennies d’innovations et de recherches.
Afin de mieux comprendre les sujets évoqués par Dominique Cardon, il semble toutefois pertinent de les définir. En voici une version simplifiée :

  • Intelligence artificielle : Ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine (1).
  • Machine Learning : Le Machine Learning ou apprentissage automatique est un domaine scientifique, et plus particulièrement une sous-catégorie de l’intelligence artificielle. Il consiste à laisser des algorithmes découvrir des “patterns”, à savoir des motifs récurrents, dans les ensembles de données. Ces données peuvent être des chiffres, des mots, des images, des statistiques. Tout ce qui peut être stocké numériquement peut servir de donnée pour le Machine Learning (2).
  • Deep Learning : Le deep learning ou apprentissage profond est un type d’intelligence artificielle dérivé du machine learning (apprentissage automatique) où la machine est capable d’apprendre par elle-même, contrairement à la programmation où elle se contente d’exécuter des règles prédéterminées (3).

Il est toutefois important de noter que tous les chercheurs impliqués dans ces sciences ne sont pas forcément d’accord sur un consensus de définitions et d’objectifs de l’IA.

Une histoire d’innovations et de désaccords scientifiques

Tout commence en 1956 lors du Summer Workshop de Dartmouth. C’est à cette occasion que 15 chercheurs, surnommés les Pères Fondateurs de l’IA, se réunissent pour mutualiser leurs recherches. L’intérêt du grand public commence à se faire sentir.

Les années 1960 marquent un tournant. On y apprend notamment que plusieurs courants ont commencé à s’opposer, allant jusqu’à se livrer une véritable bataille de l’innovation.

John McCarthy, créateur du terme “intelligence artificielle”, a pour idée de rendre les machines intelligentes. Il compte donner aux robots la capacité de raisonner et de décider. Cette vision de l’IA dominera une grande partie de l’histoire.

Face à lui, Doug Engelbart, qui est l’un des grands inventeurs de l’ordinateur personnel, lance l’ARC, l’Augmentation Research Center. Son idée est d’augmenter l’intelligence des humains grâce aux machines.

ia timeline

Symbolique ou Connexionniste ? L’affrontement des IA

Pour simplifier l’histoire de l’IA, on peut dire que 2 courants se sont affrontés.

  • L’IA symbolique : une manière de permettre à l’ordinateur de raisonner et de reproduire un raisonnement humain.
  • L’IA connexionniste : on part ici du principe que la machine n’est pas intelligente. Elle perçoit à travers les données (Big Data) des relations qui lui permettent de produire toute une série de perceptions. C’est le courant qui domine de nos jours.

Quelle est l’utilité de l’IA ?

La technologie de l’intelligence artificielle offre plusieurs avantages cruciaux qui en font un excellent outil pour pratiquement toutes les organisations modernes :

  1. Automatiser une tâche répétitive qui était auparavant effectuée manuellement, sans ressentir de fatigue ou devoir prendre de pauses (comme un employé humain devrait le faire).
  2. Rendre les produits et les services plus intelligents et plus efficaces, en améliorant les expériences des utilisateurs finaux (conversation, service client, meilleures recommandations de produits).
  3. Analyse de données à un rythme beaucoup plus rapide que les humains, permettant de croiser des ensembles de données beaucoup plus importants que ce que peuvent faire les humains.
  4. Récolter et interpréter des données de manière plus précise que les humains, pour prendre de meilleures décisions. Par exemple pour choisir un investissement financier ou identifier une excroissance cancéreuse sur des radiographies.

Globalement, l’IA permettrait ainsi aux organisations de prendre de meilleures décisions, améliorant les processus de base en augmentant à la fois la vitesse et la précision des tâches accomplies.

L’exemple des plateformes de streaming

Spotify et Deezer sont les deux leaders du marché du streaming musical. Leurs algorithmes utilisent l’intelligence artificielle pour traquer toutes nos actions sur la plateforme. Les musiques que nous écoutons, celles que nous passons, les styles que nous n’écoutons jamais, etc. Ainsi, il apprend et met à jour constamment nos données comportementales. Finalement, ces applications établissent un profil utilisateur le plus précis possible, pour proposer un contenu optimisé selon nos goûts musicaux grâce à l’IA.

Conclusion

Alors, les hommes se feront-ils vraiment remplacer par les machines ? Que restera-t-il de notre sens critique lorsque chaque information qui nous parvient sera ultra-personnalisée ?

Les études d’historiens de l’économie réalisées depuis 30 ans n’ont jamais vu le marché de l’emploi se réduire avec toutes les vagues d’automatisation (machines-outils, informatique, etc.). Les paysans équipés de fourches sont devenus des ouvriers munis d’outils, rendant leur travail plus productif et moins pénible.

A l’heure actuelle, certaines prévisions sont pourtant assez alarmistes : dans 20 ans, 42 % des emplois en France pourraient disparaître. L’OCDE tempère toutefois ces conclusions en indiquant que 10 % des emplois “seulement” seraient voués à véritablement disparaître, tandis qu’environ 50 % de ces emplois seraient plutôt amenés à évoluer.


(Re)voir la conférence

Un nouveau monde de la donnée, du calcul et de la prédiction est en train de se mettre en place. Et forcément, cela nous intrigue. Alors pour continuer votre aventure au pays de la data, vous pouvez visionner l’intégralité de l’intervention de Dominique Cardon, disponible sur la chaîne YouTube de la MAIF : Intelligence artificielle : histoire et prospectives.

07.07.2022
Retour