Mesurer la pollution réelle du numérique pour mieux agir
Dans un monde en pleine crise climatique, il est impératif d’en identifier les causes. Si la plupart des polluants sont clairement désignés, certains sont sous-estimés. C’est le cas de nos objets numériques, dont nous pouvons encore réduire l’impact.
Le monde numérique est pour le moins paradoxal : plus on « dématérialise », plus on utilise de la matière et de l’énergie. La demande de services numériques, de même que le volume des données transportées et stockées, explosent dans le monde. Au lieu de tendre vers la sobriété - qui pourrait être plus en accord avec les enjeux climatiques - la consommation énergétique du numérique croît d’environ 10% chaque année. Françoise Berthoud, ingénieure en informatique au CNRS, nous alerte sur l’absence de résilience du numérique, hautement dépendant en ressources et en énergie.
Le vocabulaire relatif au numérique et sa prétendue « dématérialisation » ferait presque oublier que tous ces objets numériques reposent sur des réalités bien tangibles. Nos téléphones, nos ordinateurs, nos GPS, nos télévisions…nécessitent, pour être fabriquées et fonctionner, de grandes quantités de matière et d’énergie.
Une fois ce constat établi, il s’agit de comprendre comment mesurer l’impact environnmental de nos objets numériquesdont la présence ne cesse de s’accroître dans nos vies.
Prendre en compte tout le cycle de vie du produit
Pour agir concrètement, il faut comprendre ! Des outils d’analyse ont été développés pour évaluer l’impact environnemental d’un objet. Parmi les plus intéressants, on compte l’ACV : l’analyse du cycle de vie. L’ADEME (Agence de la transition écologique) explique le fonctionnement de cet outil, jugé “le plus abouti”. En résumé, l’ACV est une méthode normée permettant de mesurerles conséquences d’un objet sur l’environnement sur l’ensemble de son cycle de vie.
Qu’est-ce que recouvre exactement le cycle de vie d’un objet ? Tous les produits de notre quotidien suivent un parcours complexe et global qui va de leur création à leur disparition. Et chaque étape de ce cycle de vie a des conséquences significatives sur l’environnement. Il est important d’en avoir conscience, notamment pour identifier comment agir.
Source : L’analyse de cycle de vie (ACV), Mission interministérielle Green Tech du programme Tech.Gouv.
Pour sa création, un objet nécessite une multitude de composants : des matières premières sont ainsi extraites. Pour un pull, il faudra du coton, pour une bague, de l’or et pour une batterie, du lithium - entre autres choses ! Dans cette première étape, un objet nécessite donc à la fois des matières premières mais aussi, de l’énergie pour extraire ces dernières. Puis, c’est le moment de sa fabrication. Il est ensuite transporté sur un lieu de vente où il est distribué. Enfin, il est acheté et utilisé. Mais ce n’est pas terminé : vient le jour où il ne sert plus. Soit il a accès à une deuxième vie (don, réparation, recyclage…), soit il est jeté et c’est la fin !
Chacune de ces étapes a un impact sur l’environnement. Suivant la méthode de l’ACV, le site de l’ADEME détaille les effets d’une grande quantité d’objets. Nous prendrons ici le cas des téléviseurs. Durant son cycle de vie, un téléviseur a une multitude de conséquences environnementales. D’abord, il faut utiliser des produits et de l’énergie pour fabriquer ses composants, dont sa carte électronique. Son utilisation va entraîner une consommation d’électricité plus ou moins importante en fonction de la taille de l’écran. Enfin, si le produit n’est pas recyclé, les métaux qui le composent risquent d’avoir un fort impact écologique.
Nous réalisons ainsi que l’impact environnemental de nos objets numériques dépasse amplement le cadre de notre utilisation personnelle. Et cela d’autant plus car l’étape de fabrication de ces objets est considérée comme la plus gourmande en matières premières, en énergie et in fine, en émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, si c’est tout un système qui doit tendre vers la sobriété, nous pouvons toutefois agir en tâchant de limiter notre consommation d’objets neufs, et en soignant leur fin de vie.
Comment agir à notre échelle ?
Avec le déploiement des nouvelles technologies, nous sommes confrontés à un double choc culturel et écologique qui nous inciteà changer nos habitudes. Les technologies numériques ont une multitude effets positifs sur nos vies et la société, et sont porteuses de progrès dès lors qu’elles sont utilisées à bon escient. Le choix est prioritairement d’ordre éthique : bénéficier des atouts de la révolution technologique tout en réduisant son impact sur l’environnement.
Comment dès lors passer à un numérique plus sobre et ainsi, plus respectueux de la planète ? A l’échelle individuelle, il existe de nombreuses manières concrètes d’agir. Greenpeace nous donne quelques actions simples à mettre en oeuvre.
Première action : allonger la durée de vie des équipements informatiques. Pour cela, il convient de résister à la tentation de la nouveauté et des effets de mode, d’autant plus si nos appareils fonctionnent encore correctement et suffisent à répondre à nos besoins. En cas de panne, nous pouvons également essayer d’abord de les réparer avant de les remplacer. Et lorsque l’on se tourne vers un nouvel achat, nous pouvons privilégier les objets reconditionnés et moins énergivores.
La deuxième action concerne les vidéos, qu’il s’agisse de cinéma, de séries ou de réseaux sociaux : nous pouvons limiter le visionnage en haute définition tout en privilégiant le téléchargement au streaming. Pensons également à adapter la résolution d’image à la taille de notre écran (240p sur téléphone et 720p sur ordinateur). Ces chiffres déterminent le niveau de qualité vidéo (plus le chiffre de pixels est élevé, plus il y a de détails dans l’image) mais aussi, in fine, la quantité de données et donc d’énergie qui seront nécessaires à leur lecture. Il est également possible de désactiver la lecture automatique des vidéos sur les réseaux sociaux (Facebook, YouTube…). Interrogeons-nous enfin sur notre tendance à nous tourner des écrans de plus en plus grands et puissants (tels les fameux 4K et 8K), particulièrement gourmands en matières premières et en énergie. Des alternatives plus sobres seraient-elles aptes à nous satisfaire ?
Enfin, certains envisagent de se détourner purement et simplement des objets connectés. A-t-on vraiment besoin d’un assistant virtuel pour les tâches les plus banales comme éteindre la lumière ? Il est enfin possible de prendre de nouvelles habitudes comme celle d’éteindre sa box internet quand on ne l’utilise pas. Sachant qu’elle est aussi dépensière en énergie qu’un gros réfrigérateur, la veille n’est pas une solution superflue.
Ce sont là autant de dépenses énergétiques qui ont un coût écologique que l’on peut raisonnablement réduire en agissant à son échelle. Et la liste est loin d’être exhaustive. Quand on connaît l’étendue des répercussions de ces objets numériques sur les écosystèmes, on comprend que la somme de nos petits gestes peut avoir un grand impact…à condition d’être informés et accompagnés, mais aussi en encourageant les entreprises du numérique à soutenir le mouvement !
Pour repenser l’impact de vos activités numérique sur l’environnement, consultez Reboot : un guide complet pour vous aider à y voir plus clair et à agir en faveur d’un numérique plus durable, respectueux de notre planète !
Face à l’urgence climatique, il est encore temps de changer de logiciel. Ensemble, faisons le choix d’un numérique éco-responsable.
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