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Réseaux sociaux : la santé mentale de nos enfants en péril ?

29.05.2023

Les troubles psychologiques affectant les enfants et les adolescents en hausse ces dernières années nous ouvrent les yeux sur les revers de l’accès toujours plus précoce aux outils numériques. Nous savons désormais que les réseaux sociaux peuvent avoir une part de responsabilité importante sur la santé mentale dégradée des jeunes utilisateurs.

Les nombreuses applications sociales installées dans notre téléphone font partie intégrante de notre vie. Depuis plusieurs années, nous découvrons que les conséquences néfastes pour le bien-être moral et l’équilibre psychologique se sont exacerbées, notamment à cause de l’isolement provoqué par les confinements à répétition lors de la pandémie de Covid-19.

Bien que les réseaux sociaux soient de formidables outils de divertissement et de maintien du lien social, nous nous intéressons dans cet article aux menaces qu’ils font peser sur un public jeune, parfois vulnérable, peu conscient du danger et des aides existantes pour une utilisation raisonnable et éclairée.

Que savons-nous de l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale des adolescents ?

Les réseaux sociaux sont responsables d’une aggravation des problèmes de santé. Ce constat est celui de nombreuses études menées ces dernières années par un large panel de professionnels de la santé mentale, de neurosciences ou encore de psychologie comportementale. Aux Etats-Unis, il a par exemple été prouvé que l’augmentation du temps passé à utiliser les plateformes sociales durant la période de pic du Covid-19 a été associée à des symptômes d’anxiété et de dépression.

Pourtant, il est aussi reconnu que les interactions et relations sociales sont un élément crucial de la protection de notre santé mentale. La quantité et la qualité de celles-ci influencent nos croyances, nos pensées, nos comportements et même notre santé physique. Dès lors, comment se fait-il que des outils gratuits, accessibles en un clic, dont le but est de multiplier et faciliter nos interactions avec les autres, puissent causer de tels dommages ?

Une consommation à outrance qui nous dérègle

L’utilisation des réseaux sociaux active le système de récompense du cerveau en libérant de la dopamine. Cette substance chimique est connue comme étant “l’hormone du bien-être" liée à des activités vécues comme agréables telles que manger, rencontrer quelqu’un, jouer à un jeu vidéo ou parier en ligne.

Cette libération de dopamine se produit également lors d’une consommation de stupéfiants. À l’instar d’une addiction à l’alcool ou à la nicotine, l’utilisation des médias sociaux peut créer des sensations de manque. Les algorithmes qui régissent ces plateformes sont conçus pour créer une dépendance, ce que nous vous expliquons plus en détail dans cet article : Existe-t-il une « recette Netflix » pour nous rendre accrocs ?

Amy Plant : J’ai passé une semaine dans le noir, voilà ce que j’ai vu :

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Existe-t-il une « recette Netflix » pour nous rendre accrocs ?

Aucune idée de film pour ce soir ? Ne vous en faites pas, Netflix sait mieux que quiconque ce que vous allez aimer regarder. C’est l’ami de confiance qui a toujours de bonnes idées. Et pendant que vous hésitez en naviguant sur votre télévision ou votre smartphone, l’algorithme se met au travail avec un objectif : proposer la meilleure réponse à vos attentes en moins de 90 secondes.

Le marché du streaming cinématographique est saturé de concurrents féroces tels que Prime Video d’Amazon, Apple TV+, ou encore Disney+. Toutefois, Netflix reste le leader du marché avec plus de 220 millions de clients dans 190 pays. Pour conserver sa place, l’entreprise ne creuse plus l’écart uniquement avec son catalogue, mais par la manière dont il le propose.

Comment Netflix parvient-il à rester au sommet ? Découvrons les rouages d’une telle domination, ainsi que les impacts liés à un produit de divertissement pouvant s’avérer nocif.

Technologie & Psychologie : pourquoi l’algorithme de Netflix est si pertinent ?

Une question d’employabilité

Un algorithme est un ensemble de règles ou d’instructions données à un programme informatique. Celui-ci est chargé de faire des calculs en compilant des données pour fournir un résultat optimal. Dans le cas de Netflix, ce calcul tente de faire correspondre les suggestions de programmes aux goûts du client avec le plus haut degré de précision possible.

« Notre activité est un modèle de service par abonnement qui offre des recommandations personnalisées, pour vous aider à trouver des émissions et des films qui vous intéressent. Pour ce faire, nous avons créé un système de recommandations exclusif et complexe. » - Netflix Help Center.

Tout commence lors de la création d’un Profil utilisateur. L’application Netflix cherche à cerner nos goûts le plus rapidement possible en demandant de sélectionner plusieurs films, séries ou genres que nous apprécions.

Au fur et à mesure des heures de visionnage, le programme analyse nos actions pour affiner les préférences exprimées au départ. C’est le début d’une réaction en chaîne, dont l’objectif est de ne jamais décevoir l’utilisateur pour le maintenir actif le plus longtemps possible. Netflix devient notre réflexe pour accéder au divertissement.

Personnalisation à l’extrême, matching et apprentissage continu

L’algorithme de Netflix est un secret bien gardé. Impossible donc de connaître toutes les données utilisées pour tenter de nous figer devant nos écrans.

En revanche, nous savons que certains facteurs sont particulièrement prisés :

  • les avis et notes des spectateurs ;
  • nos habitudes de recherche ;
  • les similitudes comportementales entre utilisateurs ;

Une première étape vers la proposition du contenu idéal consiste à mettre en avant les bonnes catégories (permettant de classer les films et séries). Il y a bien sûr les genres classiques (horreur, aventure, action, romance, sport, etc.) mais également toute une galaxie d’autres « micro-genres », qui semblent créés sur mesure par Netflix.

Vous pourriez par exemple trouver votre bonheur parmi une sélection de séries appartenant à une catégorie « romance et rivalité entre familles aux États-Unis ». Il en existe au moins 4000 différentes.

La force de Netflix réside dans sa capacité à analyser chaque visite sur sa plateforme pour entraîner continuellement son algorithme. Les données collectées permettent d’améliorer en continu leurs prédictions sur ce que vous êtes le plus susceptible d’aimer.

L’humain a du mal à choisir. Netflix lui facilite la vie en rendant ses prises de décision simples et rapides. Plus les recommandations sont précises, plus le client est satisfait et moins il a de raisons de quitter le service voire de remettre en question son abonnement.

Enfin, ce système de recommandation utilise l’adéquation entre les profils de spectateurs pour affiner ses résultats. Sur Netflix, personne n’a exactement la même page d’accueil, mais il existe des similitudes entre certains « types » de spectateurs.

Trois utilisateurs qui regardent un panel de 10 séries en intégralité reçoivent probablement des recommandations semblables lorsqu’ils sont indécis. Si l’un des trois visionne (et apprécie) un film que les deux autres n’ont jamais regardé, il y a de fortes chances que ces derniers voient ce film dans les recommandations de leur compte Netflix quelques heures plus tard.

Le « binge watching » devient un sujet de santé publique

Certains effets indésirables de la surconsommation de contenus vidéo sont susceptibles de se manifester rapidement.

Pour certains, Netflix s’apparente à une drogue, diffusée par tout un rouage de mécanismes intelligents créant une addiction. Ce phénomène consistant à regarder plusieurs épisodes d’une série à la suite est appelé « binge watching ». Il n’épargne pas les Français (+ de 8 millions d’utilisateurs), et peut devenir problématique quand il influe sur la vie réelle de l’utilisateur.

En 2019, les utilisateurs de la plateforme ont passé en moyenne deux heures par jour à regarder Netflix. Les confinements à répétition qui ont suivi en 2020 ont provoqué une augmentation de 61 % de l’utilisation du streaming vidéo, faisant grimper ce chiffre à 3,2 heures par jour.

De nombreux scientifiques nous avertissent à ce sujet : remplacer une part importante de temps consacré au sport, à la vie sociale et au sommeil par le visionnage de contenu en ligne augmente le risque de souffrir de problèmes de santé :

  • maladies cardio vasculaires (cardiaques) ;
  • dépression ;
  • insomnies ;
  • capacité de concentration ;
  • dépendances comportementales.

Aux États-Unis, 60 % des adultes américains clients de services de streaming vidéo à la demande admettent pratiquer le binge watching. Les chiffres sont encore plus élevés chez les jeunes (en particulier les millenials), puisque 73 % des 18-29 ans s’y consacreraient au moins une fois par semaine.

« Vous recevez une émission ou un film que vous mourrez d’envie de regarder, et vous finissez par rester debout tard dans la nuit, donc nous sommes en fait en concurrence avec le sommeil », Reed Hastings, PDG de Netflix.

Que se passe-t-il dans notre cerveau en regardant Netflix ?

Regarder une série est une activité agréable. Chaque nouvel épisode libère une dose de dopamine dans notre cerveau.

Cette « hormone du bonheur » a pour particularité de provoquer un sentiment de bien-être. Comme nous en sommes difficilement rassasiés, notre cerveau intègre comment en obtenir de plus en plus pour prolonger cette sensation confortable.

Nous serions naïfs de penser que Netflix n’a pas connaissance de ces leviers psychologiques à sa disposition. Des réseaux sociaux comme Facebook et Instagram sont construits sur cette quête de dopamine à travers un autre levier : les likes.

Les services de streaming ne dérogent pas à la règle, et utilisent principalement le suspens et les scénarios à rebondissement pour nous tenir en haleine de longues heures devant nos écrans. Entre autres, l’attachement aux personnages joue aussi un rôle déterminant. En effet, nous sommes capables de projeter nos émotions et de ressentir celles des protagonistes d’un show télévisé.

Il semble évident que son studio de production en tire profit. En 2021, Netflix a sorti 395 productions originales dans le monde, dont 259 commandées et sorties la même année. Parmi les 10 séries qui rencontrent le plus de succès sur la plateforme, 9 ont été produites par Netflix, qui a tous les ingrédients - nos données par exemple - à disposition pour concocter la recette parfaite. La plateforme de streaming affirme de son côté qu’elle continue seulement d’améliorer son « Système de recommandation » en permanence.

24.11.2022
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Joseph VanZandt, coordinateur juridique d’un recours collectif déposé contre les plateformes en Californie, estime que :

« Tout, de la manière dont les vidéos et les publications sont affichées et organisées, à la conception et au placement des boutons, est conçu pour favoriser la dépendance et inciter les utilisateurs à revenir encore et encore sur la plateforme. »

Le sommeil, si important à l’âge où les jeunes développent leur cerveau, est également une victime directe de ces réseaux. Les adolescents qui passent trop de temps sur les médias sociaux (et leur téléphone en général) ont plus de mal à s’endormir et souffrent davantage d’insomnie et de dépression. Chez l’enfant et l’adolescent, le sommeil est considéré comme étant trop court en dessous de 7 heures par nuit. En France, 26,7 % des collégiens et 43,7 % des lycéens peuvent être considérés comme étant en “dette de sommeil”.

Le sommeil, si important à l’âge où les jeunes développent leur cerveau, est également une victime directe de ces réseaux. Les adolescents qui passent trop de temps sur les médias sociaux (et leur téléphone en général) ont plus de mal à s’endormir et souffrent davantage d’insomnie et de dépression. Chez l’enfant et l’adolescent, le sommeil est considéré comme étant trop court en dessous de 7 heures par nuit. En France, 26,7 % des collégiens et 43,7 % des lycéens peuvent être considérés comme étant en “dette de sommeil”.

Un mal-être en partie dû au culte de la perfection sur les réseaux

Pour renforcer l’estime de soi et le sentiment d’appartenance à un groupe, les utilisateurs publient des contenus dans l’espoir de recevoir des réactions positives (likes, commentaires, partages, etc.). Le but ? Une récompense morale, un sentiment d’accomplissement. Mélangé à cette recherche de dopamine, on obtient ici une recette qui incite à consulter les plateformes en permanence, et à toujours montrer le meilleur de soi-même.

La tentation de se comparer aux autres est inévitable, en particulier pour les jeunes qui manquent de recul ou de confiance en eux, et ont tendance à rechercher une validation externe de leur valeur à travers ces réseaux. Instagram, Snapchat ou TikTok sont une vitrine, montrant une réalité parfois trompeuse ou très maquillée. Chaque jour, il suffit de scroller quelques secondes pour voir des photos retouchées ou filtrées, tout en nous laissant croire que ce contenu est authentique. La perfection virtuelle n’est plus seulement réservée aux célébrités dans les magazines de mode, puisqu’elle est accessible à tous et devient une norme.

Dans un monde numérique filtré, voire complètement faussé, il peut être difficile pour les adolescents de distinguer ce qui est réel de ce qui ne l’est pas. Ce qui à terme, peut bouleverser leur vision de la réalité, leurs attentes, et avoir un impact sur leur moral.

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Instagram & co : des loisirs gâchés par le diktat de l'image parfaite ?

Les internautes s’obligent parfois à partager sur leurs réseaux sociaux leurs plaisirs quotidiens, leurs loisirs, leurs vacances…quitte à détériorer la qualité de ces précieux instants. Décryptage.

Les derniers rougeoiements du soleil s’éteignaient sur les dunes, à perte de vue. Après quarante minutes de route sur les bosses flottantes de sable brûlant, nous voilà garés au milieu du vide et du calme. En position pour un éblouissant spectacle…que je me suis brillamment gâchée.

Plutôt que de mémoriser l’instant avec mes yeux, j’ai dégainé l’iPhone. Je ne l’ai pas lâché, angoissée par l’idée de capturer LE cliché et LA vidéo de rêve. J’ai aperçu le soleil se coucher, l’œil coincé derrière l’écran. De quoi vivre la même expérience que si j’avais visionné la vidéo d’un.e autre.

Se gâcher le plaisir en jouant au community manager de ses vacances

J’avais abandonné l’idée d’avoir un beau portrait devant ce décor orangé de carte postale, puisque la route sinueuse du Safari m’avait rendue nauséeuse, transpirante, et décoiffée. Il fallait donc tout miser sur le paysage pour publier un diaporama « waouw » sur Instagram.

Instagram d’ailleurs, ou plutôt ma consommation du réseau social de l’image et du beau, détériora a bien des égards la qualité du moment.

D’abord, parce que j’ai pensé à ma future publication, au regard des autres, avant de penser à mon propre plaisir dans l’instant. Ensuite, parce que j’avais déjà cliqué sur la localisation « Red Desert » sur l’application. Je m’étais en quelque sorte « spoilée » le spectacle, en zoomant sur chaque publication filtrée des influenceurs. J’en avais même enregistré certaines, afin de reproduire la mise en scène qui me plaisait. On trouve bien sûr nos clichés moins léchés que ceux des autres, plus esthétiques, mieux retouchés, plus HD (pour réaliser le post idéal, des véritables shootings avec des photographes professionnels, qui transportent leur matériel de studio au milieu du désert, sont proposés aux touristes… Nous en sommes là).

Et puis, en rentrant de cette virée dont le souvenir aurait dû être plus mémorable que mes angoisses, il y eut, je le crois, le « stress de la performance » : la publication va-t-elle plaire ? Être suffisamment « likée », appréciée par mes abonnés ?

À vouloir démontrer que le moment était parfait, j’ai oublié qu’il aurait pu l’être pour de vrai.

Choisir ses vacances en fonction de son « capital photographique »

Quand j’évoque mes recherches sur Instagram via l’option localisation, qui regroupe toutes les images capturées dans une même place to be (et bien sûr les posts qui ont récolté le plus de « likes » et commentaires sont les premiers affichés, ce qui accroît certainement un sentiment de frustration), je me sens un peu nulle, mais je sais que je ne suis pas la seule à agir aussi bizarrement.

D’après une étude menée en 2020, commandée par l’entreprise française du secteur de l’hôtellerie Homair1, et réalisée par l’institut Opinion Way, 54% des Français avouent choisir leur future destination de vacances en fonction du « potentiel photo » des images du site postées sur les réseaux sociaux.

Une autre enquête2 confirme le phénomène en affirmant que pour les 18-35 ans (regroupés dans le terme « millennials »), le « capital photographique » d’un lieu compte à hauteur de 40% dans leur choix de destination.

« Les flux Instagram ou Pinterest dictent alors les tendances et les lieux à aller voir, alors en troupeau tout le monde se suit en quête de la même image », déplore Anaïs Guyon3, auteure du blog voyage The Travellin’Side, qui a fait le choix de déconnecter durant ses séjours.

Les réseaux sociaux empêchent le lâcher-prise

Un troisième pourcentage révèle ce que peuvent ressentir les internautes devant de telles publications ensoleillées. 29% des parents interrogés par Opinium Research, pour Groupon4, confient ressentir un pic d’anxiété lorsqu’ils consultent les clichés estivaux des autres parents, publiés sur leurs réseaux sociaux.

33% sont également angoissés lorsque leur enfant évoque les photos des activités de leurs amis sur Facebook ou Instagram durant l’été. Autre donnée éloquente : 22% des interrogés pensent qu’ils doivent dépenser plus d’argent durant les vacances d’été pour faire bonne impression sur Instagram et Facebook. C’est dire la pression monstre que l’on s’inflige, le stress que génère cette exigeante mise en scène de nous-même, durant la période de l’année pourtant supposée dédiée la décompression, au lâcher-prise, au temps vacant.

Le triste constat s’applique aussi aux autres loisirs, qui engendrent la même pression. Peut-on aujourd’hui aimer la décoration sans créer son moon-board Pinterest, un compte Instagram dédié, ou une chaîne tuto YouTube ? Et la lecture, sans devenir « booktubeuse », ni suivre la tendance de poser avec son Gallimard (parce que les influenceuses parisiennes ont décidé qu’avec ses couvertures épurées, beiges et rouges légèrement bordeaux, les ouvrages de cette prestigieuse maison d’édition étaient le nouvel accessoire tendance) ? Et la musique, sans diffuser en live Instagram les concerts ?

Dans son titre « Égérie », Nekfeu rappe : « Il filme mes concerts au lieu de les vivre ». En « Nekfan » assumée, je suis allée l’applaudir seize fois en cinq ans, partout en France, avant qu’un virus bouscule nos quotidiens. À chaque fois qu’arrive cette punchline, j’observe le public à la caméra activée. J’imagine ces spectateurs autant mal à l’aise que moi face à ce rappel à l’ordre, aussi en train de filmer, et de me gâcher le plaisir de l’instant pour… quoi, au final ?

Pour prouver que l’on y était ? Et si l’on apprenait à attacher moins d’importance aux regards des autres ? Quitte à ce qu’ils imaginent que notre vie est ennuyante, au prétexte que l’on ne poste pas tout ce que l’on vit. Car paradoxalement, moins poster la rendrait probablement beaucoup plus riche ! On profiterait pleinement de l’instant, et l’on gagnerait d’autres précieux moments, jusqu’alors perdus dans la mise en scène de nos vies, diffusées sur nos plateformes.

La solution pour rehausser le plaisir serait alors d’admettre qu’un évènement existe, même s’il n’est pas posté, liké, commenté. Accepter aussi - pour ne pas se sentir frustré.es ou complexer face aux publications parfaites, qu’il s’agit de mises en scène irréalistes, non représentatives de la vie entière de celui qui les publie. Et si l’on sait pertinemment que l’on choisit la meilleure photo de nous au moment de poster, il est plus difficile de se dire que les autres font de même. Le réaliser constitue alors le premier pas pour se détacher de ce tourbillon.


1 Étude réalisée en janvier 2020 auprès de 1.008 personnes représentatives de la population française

2 Enquête réalisée par l’éditeur de livres scolaires Schofields et publiée dans le média britannique de voyage Travolution.

3 Extrait d’une chronique d’Anaïs Guyon dans le Huffington Post : « Blogueuse voyage, j’ai décidé de moins publier pour ne pas passer mon temps dans la spirale infernale d’Instagram »

4 « Les vacances d’été : source de stress pour les parents », sur Groupon.fr

22.07.2021

Les écrans de fumée pris à leur propre jeu

Peu à peu, la parole se libère sur un sujet longtemps resté tabou et ce, notablement, parmi les jeunes générations très actives sur des plateformes telles que TikTok et Instagram. Certains créateurs de contenus, conscients des dérives engendrées par l’utilisation excessive de réseaux et les comportements toxiques associés (harcèlement, risques pour la santé mentale, problème de concentration, etc.) agissent pour le bien-être de leur communauté.

Ils s’appuient alors sur la portée de diffusion massive des réseaux pour faire de la prévention, notamment sur TikTok, l’application de vidéos courtes devenue le réseau social le plus téléchargé au monde en 2021. Par exemple, les hashtags #mentalhealth, #anxiety ou encore #adhd représentent des centaines de milliards de vues. En France, le compte Instagram @bonjouranxiete aborde les enjeux de santé mentale en diffusant ses publications “sans tabou et avec bienveillance” à plus de 337 000 abonnés.

Les experts interrogés sur cette tendance estiment que les contenus préventifs ou éducatifs, en se servant d’un réseau social lui-même déclencheur des potentiels troubles évoqués, viennent contrebalancer l’effet négatif d’autres contenus jugés problématiques. Ces contenus dédiés au bien-être mental massivement diffusés sont un bon levier pour permettre aux utilisateurs des réseaux de se questionner sur leurs usages et leurs comportements vis-à-vis de la consommation d’écrans.

Toutefois, cela ne suffit pas à remplacer le diagnostic d’un professionnel, qui est le seul habilité à proposer des mesures individualisées pour aider une personne en détresse morale ou psychologique.

Les pouvoirs publics se saisissent du problème

Ces dernières semaines, une proposition de loi visant à réglementer l’usage des réseaux sociaux a marqué l’actualité. Le 23 mai 2023, le Sénat a proposé des modifications au texte voté en début d’année par l’Assemblée nationale, afin d’inciter les plateformes à mieux encadrer le contrôle de l’âge des utilisateurs. Des solutions techniques existantes ou en cours de création pourront être utilisées, et chaque procédure de vérification devra recevoir l’aval des autorités compétentes afin d’être mise en place dans le cadre de cette nouvelle loi.

L’accord des parents sera également nécessaire pour qu’un mineur de moins de 15 ans puisse s’inscrire sur une plateforme comme Snapchat, TikTok, Instagram et autres. Actuellement, la plupart des réseaux sociaux mentionnent dans leurs conditions générales que la création d’un compte n’est pas possible avant 13 ans.

Pourtant, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) estime que l’âge moyen des enfants lors de leur première inscription sur un réseau social est de 8 ans et demi. Une enquête de l’association Génération Numérique menée en 2021 confirme que 63 % des moins de 13 ans ont déjà au moins un compte sur un réseau social.

Concernant les sanctions possibles en cas de manquement à cette obligation, notons qu’une amende pouvant aller jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise fautive pourrait être infligée. Les parents ou responsables légaux du jeune utilisateur de moins de 15 ans auront également la possibilité d’exiger la suspension du compte.

e-Enfance, la plateforme du ministère de l’Education nationale et de la jeunesse

Autre initiative intéressante, l’association reconnue d’Utilité Publique e-Enfance agit depuis 17 ans pour la protection de l’enfance sur internet et l’éducation à la citoyenneté numérique.

Concrètement, l’organisme propose notamment aux jeunes, aux parents ainsi qu’aux professionnels des interventions en milieu scolaire et des formations sur les usages responsables d’internet. Leur but est d’informer, prévenir des risques éventuels et proposer des solutions aux dangers d’internet (cyberharcèlement, cybersexisme et autres formes de cyberviolence).

Elle opère le numéro national 3018 pour venir en aide aux victimes de violences numériques.

Découvrez son kit de prévention des dangers numériques.

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Contre l’addiction au numérique : se reconnecter… au réel

Le psychologue Bahman Ajang nous plonge dans l’hyper-communication et hyper-connexion numérique, résultat d’un recours excessif aux moyens de communication et réseaux sociaux numériques. Episode 3/3 consacré aux solutions pour y faire face.

[suite du 2e épisode sur les sources de l’'hyper-communication & hyper-connexion numérique]

En attendant que les entreprises du numérique proposent des produits et interfaces limitant les risques d’addiction, nous pouvons d’ores et déjà mettre en œuvre plusieurs solutions concrètes afin de circonscrire au mieux leur emprise sur notre corps et notre esprit.

Sport, art et nature pour renforcer son niveau d’attention

En 2015, une étude de Microsoft Canada démontrait que notre capacité de concentration focalisée et continue était passée de 12 secondes en 2000 à 8 secondes en 2013 - une conclusion qui reste bien entendu à confirmer par d’autres recherches. Toujours est-il que renforcer nos capacités de concentration, particulièrement fragilisées par des pratiques numériques excessives, est désormais essentiel.

L’histoire de l’évolution humaine n’avait absolument pas préparé notre cerveau à consacrer autant de temps et d’attention aux écrans. A ce titre, diverses études convergent pour vanter la nécessité de se relier à son corps et de pleinement se concentrer sur l’instant présent (à l’opposé du multitâche !), grâce notamment à une activité sportive régulière ou à l’expression artistique. Certaines études1, issues du courant dit de l’écopsychologie, ont même démontré qu’un contact régulier et significatif avec la nature améliorait nos capacités cognitives.

Cultiver ses capacités attentionnelles peut par ailleurs efficacement passer par la pratique d’un art martial nécessitant concentration et coordination, ou encore par le yoga ou la méditation. De plus, divers programmes d’entraînements dits de remédiation cognitive sur ordinateur, menés par des praticiens dûment formés et ayant reçu l’aval de la communauté scientifique, ont vu le jour ces dernières années. Initialement conçus pour remédier aux troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), ils sont désormais utilisés auprès d’un spectre beaucoup plus large de personnes, avec pour objectif de les aider à renforcer la maîtrise, la prise de conscience et le contrôle de leur attention, littéralement morcelée par les sollicitations incessantes du monde numérique.

(Ré)apprendre à son cerveau à se passer d’écrans

Ainsi que nous le rappelle à raison Art Markman, psychologue américain2, le cerveau est une admirable machine à apprendre, conçue pour identifier nos régularités de comportement en vue de les automatiser. Donc si vous avez pris l’habitude d’aller vérifier l’écran de votre téléphone toutes les vingt minutes, votre cerveau prendra l’initiative de perpétuer cette pratique, sans même recourir à votre volonté consciente. Voilà pourquoi votre propension à consulter automatiquement votre téléphone grandit à mesure que vous l’utilisez, et qu’il vous est de plus en plus difficile de vous retenir de le faire !

Pour mettre un terme à cet engrenage des écrans, il devient alors nécessaire de rééduquer notre cerveau afin de le détacher progressivement des mauvaises habitudes qu’il a cru bon de nous faire adopter au détriment de nos capacités de concentration. Pour ce faire, nous tâcherons d’espacer au maximum la consultation de nos objets et appareils numériques, et donc de nous retenir de consulter notre smartphone dans une file d’attente, de sortir faire cette promenade sans lui ou bien encore de choisir délibérément de le laisser à la maison une journée entière.

Une question de santé publique

Alors qu’une nouvelle économie s’organise autour de la captation de notre temps et de notre attention, penser et réguler notre rapport aux nouvelles technologies devient indispensable. Prendre des mesures est même urgent pour ceux qui souffrent d’une activité numérique excessive, tels que les adolescents et étudiants placés aux premières loges de ces mutations malgré leur grande vulnérabilité. Il s’agit d’une question sociétale et de santé publique.

Dans un monde où tout semble s’accélérer, nombre d’individus voient leur inconfort ou rejet des médias numériques se développer parallèlement à un désir de prendre de plus en plus le temps. La tendance à recourir aux sagesses d’Orient, aux techniques de développement personnel ou aux médecines alternatives fait écho à une volonté croissante de ralentir, respirer, et se recentrer sur l’essentiel. Ces pratiques ont en outre pour point commun de nous amener à nous interroger sur l’objet de notre attention, choisi parmi la multitude de stimulations et sollicitations permanentes inhérentes à la société numérique.

Si les nouvelles technologies peuvent nous permettre d’aspirer à une vie plus confortable, elles peuvent aussi nous faire suffoquer voire étouffer en précipitant une dynamique funeste. Heureusement, divers moyens et méthodes existent pour réguler la place occupée par ces nouveaux outils dans nos vies et nos esprits. En résumé, équilibrer le trop plein de « connexions numériques » passe avant tout par davantage de « connexion à notre corps ; à nos proches ; et à la nature ».

Enfin, il est important de rappeler que des pratiques numériques inadaptées ou leurs excès font presque toujours écho à des difficultés de socialisation, un mal-être ou une souffrance psychique existant indépendamment de ces symptômes particuliers. Ainsi, la mise en lumière de ces souffrances permise par le numérique peut permettre aux praticiens de santé de les identifier et d’intervenir plus tôt. Alors, concluons en reconnaissant cet effet collatéral positif des nouvelles technologies et soyons optimistes. Nous sommes aujourd’hui face un défi sociétal à notre portée, à condition de nous en donner collectivement les moyens – grâce notamment au concours du système scolaire, des parents et des concepteurs des mondes numériques. A bon entendeur…

Relire les épisodes précédents :

Episode 1. Les dangers de l’hyper-communication & hyper-connexion numérique

Episode 2. Du publicitaire au cerveau humain : sur la piste de l’addiction au numérique


1 Payam Dadvand et collaborateurs dans Proceedings of the National Academy of Science, 30 juin, 2015 vol. 112 no. 26; https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4491800/

2 Art Markman, “How to Disrupt Your Brain’s Distraction Habit,” inc.com, 25 mai 2016; https://www.inc.com/art-markman/the-real-reason-technology-destroys-your-attention-span-is-timing.html

11.08.2017
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